BARBENTANE L’eau 2ème partie |
Après les grandes généralités de mon premier dossier sur l'eau, plutôt sur les eaux à Barbentane, nous allons voir plus en détail les particularités ondines barbentanaises... |
Le Colombier... Ce n'est pas vraiment une roubine(3), mais plutôt un ru qui 'démarre' sur le versant Ouest des collines au Sud de la route des Carrières pour venir se jeter dans une roubine de la plaine. Il reçoit les eaux pluviales de la Montagnette qui descendent des versants Nord et Ouest des collines qui bordent cette route. Il la longe, en s'agrandissant fortement pour devenir un beau fossé, jusque sous le château de Granrut… Puis bifurquant à 90° vers le Nord, il traverse tout le quartier de Terrefort pour s'évacuer dans la Roubine Vieille au quartier de Castelmouisson. Inexistant ou presque de mai à novembre, il peut devenir, selon les conditions météo, un beau torrent que les Alpes ne renieraient pas... |
Le Colombier à la hauteur du hameau des Carrières |
Dans la première partie de sa traversée du quartier de Terrefort il entretient sur ses berges un petit massif forestier de hautes futaies, touffu à souhait, qui sert de refuge à une faune sauvage non négligeable… Fait étonnant, jusqu'au XXème siècle dans la traversée du quartier de Terrefort et en période de sécheresse, son lit servait de chemin où même les chariots passaient… D'ailleurs, pour éviter des croisements qui ne pouvaient se faire, les charretiers claquaient fortement du fouet avant de s'engager prévenant ainsi les autres conducteurs de leur présence dans la sente… C'est un cours d'eau entièrement barbentanais, il mesure un peu plus de 4 kilomètres... |
Le Colombier au début de sa traversée du quartier de Terrefort |
Une partie du quartier de Terrefort vu d’avion. Au premier plan le château de Granrut. On y distingue bien la traversée du Colombier avec son massif forestier de hautes futaies.. |
Le canal des Alpines... Créé dans la deuxième moitié du XIXème siècle, sous la mandature de Louis Veray (maire de 1871 à 1874), c'est le principal canal d'irrigation qui a permis le formidable essor de la culture des primeurs dans le grand triangle que forme la Durance au Nord, le Rhône à l'Ouest et les Alpilles au Sud. Il se divise en plusieurs branches... |
Celle qui "arrose" Barbentane prend sa source en Durance aux abords du Pont de Bonpas. Cette branche du canal a un débit de 1m3/s environ et elle alimente en eau Noves, Rognonas et Barbentane pour finir dans le Rhône au quartier du Mouton après un trajet d'une douzaine de kilomètres… Avant sa construction, bien que l'arrosage ait été de tout temps pratiqué, il ne se faisait qu'avec des moyens rudimentaires et sur de toutes petites parcelles… Dès le début du XVIIIème siècle, nos ancêtres se sont "amusés" à cultiver, plus par curiosité que pour des besoins alimentaires, les nouveaux légumes exotiques ramenés par les conquérants qui revenaient du Nouveau Monde et/ou de l'Asie. Les tomates(21), les courgettes, les haricots verts, les pommes de terre, les aubergines, etc... font une entrée timide sur les tables provençales(22)... |
Le Canal des Alpines au mois de juin 2011 au chemin des Resvaux |
Le Canal des Alpines au mois de juin 2011 au chemin de la Ramière |
Il est bon de rappeler ici que les premières tomates cultivées en France le furent à Barbentane, cette solanacée est devenue la plante la plus cultivée en France… Hormis le jardinage précité, jusqu'en 1840 l'ensemble des cultures Barbentanaises n'étaient que de subsistance, essentiellement du blé et de l'orge avec des arbres fruitiers aux bords des champs ou des chemins (oliviers, amandiers, pommiers, poiriers, etc...). |
Le Canal des Alpines en hiver en période d’étiage au chemin de la Ramière |
Quand même, depuis un siècle environ, le développement de la sériciculture permettait des rentrées d'argent frais dans les mas, c'étaient les fameux magnans (mot provençal qui veut dire goinfre). Puis, une nouvelle culture, industrielle celle-là, chamboula toute l'espace agricole en Basse Provence, la garance venait de faire son apparition. Culture aussi riche qu'éphémère, cette plante a besoin de terres alluvionnaires légères et de beaucoup d'eau pour avoir les meilleurs rendements… Toute la vallée de la Durance(23) se prête à merveille à son implantation et pendant près de trente ans elle fera la fortune des agriculteurs provençaux qui sont devenus depuis la Révolution de libres producteurs. Elle est supplanté très rapidement par les colorants chimiques... |
Notre terroir s'est aussitôt reconverti à la culture des primeurs qui, grâce aux nouvelles lignes de Chemin de Fer, peuvent très rapidement aller garnir les marchés des grandes villes qui y sont reliés. Alors, on plante des haies de cyprès, on creuse une dizaine de filioles(3) qui vont du Canal des Alpines aux terres agricoles. Et, du moins pour les espaces qui sont à proximité du canal, on pratique l'irrigation gravitaire, une technique bien particulière qui demande un bon apprentissage et d'excellentes connaissances… De temps en temps, on faisait une grande battue pour débarrasser ses berges des animaux qui s'y étaient installés. Les blaireaux, les renards et même les castors étaient alors délogés et abattus sans ménagement, priorité au débit du canal qui était, en plein été, à peine suffisant… Au temps de sa splendeur, l'eau 'courrait' si vite que les algues n'avaient pas le temps de s'installer… Maintenant, moins ombragé, avec une eau plus stagnante, il est plus sensible aux algues que le phénomène de photosynthèse accélère... Pendant plus de 100 ans, le canal des Alpines aura fait la fortune de Barbentane, en priorité de ses agriculteurs, mais aussi de tous les artisans, commerçants qui travaillaient en symbiose dans cette société... |
Le Canal des Alpines dans la traversée des Iscles |
La conduite forcée... Sans être complètement abandonné, le canal des Alpines est maintenant remplacé à Barbentane par une distribution d'eau issue de forages profonds en conduite forcée. Moins onéreuse car elle ne demande aucun entretien ou presque, plus écolo aussi car il y a moins de déperdition due autant à l'évaporation qu'aux nombreuses fuites inhérentes à un canal plus ou moins étanche... |
Une sortie de la conduite forcée au mas Gavard |
Cette nouvelle installation suit à peu près le même parcours que le Canal des Alpines et donc dessert les mêmes parcelles, c'est-à-dire l'ensemble des terres situées aux abords de la Durance et du Rhône... De ce fait, les 26 kilomètres de filioles(3) qui permettaient une distribution de l'eau du Canal jusqu'aux surfaces à irriguer, sont maintenant complètement abandonnées. Chacune avait son syndicat d'entretien… Ils étaient aussi multiples que pittoresques. Ils pouvaient être un formidable lieu d'entraide ou un grand ring aux multiples bagarres, c'était aussi cela la vie dans nos campagnes… |
La conduite forcée ne distribue pas l'eau gratuitement, loin s'en faut. Pour se raccorder les agriculteurs doivent s'acheter une vanne (de presque 1 500€) et payer chaque année une redevance qui est calculée sur la surface pouvant être arrosée (environ 400€ l'hectare). Seul avantage par rapport au canal, c'est de l'eau sous pression, normalement à 6 kg, pouvant permettre des arrosages variés(24), plus adaptés aux besoins de l'agriculture actuelle (cultures sous serres, etc)… Elle est quand même beaucoup moins poétique que le canal. Canal qui, avec ses indispensables filioles, nourrissaient une multitude de bestioles dont se rassasiait toute une armada d'oiseaux. Ces cours d'eau entretenaient aussi de nombreuses plantations de canniers aux usages multiples et indispensables dans les anciennes communautés rurales de notre Terre Provençale... |
Les petits pompage et les gros forages... Pour toutes les autres terres agricoles qui n'étaient pas raccordées au canal et qui ne sont toujours pas raccordées à la conduite forcée, il y a deux solutions pour permettre l'irrigation... Pour les surfaces situées aux abords des roubines, dès les temps historiques on a "relevé" l'eau pour la distribuer aux surfaces à arroser par des moyens plus ou moins compliqués. De la simple toile cousue sur un mat en bois qui, par l'intermédiaire d'un axe, plongeait dans la roubine, prenait de l'eau, la "relevait" et après une rotation, venait la verser aux pieds des cultures à arroser… C'est la technique du Chadouf qui est gravée sur les pyramides égyptiennes, appelés chez nous des tombo-levo. Mais bien d'autres techniques ont été utilisées, presque toujours à base de force humaine ou animale. Dès que cela était possible, on installait des norias, ou puisque on est en Provence, des pousaraco(25) pour monter l'eau des puits... |
La technique du Chadouf |
Tout cela a disparu dès l'apparition du moteur à explosion. Nos anciens se mirent aussitôt à planter des tuyaux en fer un peu partout auquel ils fixaient une motopompe. Une fois qu'elle avait démarré, ce qui n'était pas toujours le plus évident, et avec quelques litres de pétrole, ils arrosaient sans crainte d'épuiser la nappe phréatique... |
Motopompe autonome à essence |
Puis, après la généralisation des tracteurs, les motopompes furent remplacées par des pompes encore plus simples. Elles étaient fixées sur le bras de force de ces indispensables engins agricoles. Avec ce système, on peut aussi remonter l'eau de la roubine avec tuyau plongeant équipé d'une crépine… Les Roubines(3)... A l'inverse du Colombier, elles sont en eau toute l'année. On en compte près de 6 kilomètres sur notre territoire !!! De fait toutes les voies de communication qui sillonnent la plaine de Barbentane ont une roubine sur au moins un côté. Fait étonnant, du moins pour nous qui avons l'habitude de donner un nom à toutes choses jusqu'à la moindre aire de surface agricole, dans leur majorité (sauf deux qui seront traitées à part) elles n'ont pas de nom spécifique. On se borne simplement à dire la roubine qui longe le chemin de Ste Catherine, ou celle du chemin de Réchaussier, etc... |
Motopompe sur forage et pompage, avec une crépine, de l’eau dans la roubine |
La roubine du chemin de Ste Catherine |
La Lonne à la hauteur du Pont de la Gaffe |
La Roubine Vieille au Pont de la Gaffe |
A part une, celle qui 'vide' les Caisses par le Nord et qui se jette dans la Durance, toutes les autres finissent par rejoindre la Roubine Vieille et/ou La Lonne, pour finir par se jeter au Rhône. Elles ont une double fonction : assainir les terres en servant de drain et écouler toutes les eaux de surface qu'elles soient pluviales ou issues des surplus de l'irrigation… En de nombreux endroits, il n'y a pas si longtemps encore, avec une simple planche posée en travers, elles servaient de lavoir de proximité pour les riveraines… Les progrès hygiéniques aidant leurs eaux sont propres, même plus saines, du moins en surface(26), qu'il y a une dizaine d'années... |
En effet, les espaces agricoles intensément cultivés étant en nette diminution, les résidus chimiques, sans être vraiment absents, se font plus rares. D'ailleurs, des couples de canards sauvages, des colverts, ont élu domicile à l'année en divers endroits, mais surtout dans les lieux isolés. Un héron cendré, échassier assez rare, s'est installé sur notre territoire, il navigue selon ses humeurs en écumant les ressources alimentaires disponibles dans les diverses roubines...
La Roubine Vieille. Prenant son origine au quartier de Castelmouisson en recevant les eaux du Colombier et d'une grosse roubine qui vide les caisses(3), elle suit la route de la gare en découvert jusqu'à l'impasse de la Rebutte... |
Puis elle traverse tout le village en couvert en suivant le tracé de l'ancienne route de Boulbon, pour réapparaître en découvert après les anciens abattoirs à la hauteur du stade du Bosquet. Probablement un ancien lit de la Durance des temps historiques, elle est depuis toujours notée dans les registres du village, d'où son nom. Elle servait, entre autre et jusqu'au XIXème, pour faire tourner les moulins à eau qui y étaient installés. C'est pour cette raison que son entretien a toujours été soigneusement effectué et d'astucieux aménagements hydrauliques(27) permettaient une alimentation constante des moulins, même en été. Avant la mise en service de la nouvelle station d'épuration qui est maintenant installée aux abords du Rhône, elle collectait les eaux régénérées de l'ancienne station d'épuration qui était installée à la hauteur du stade du Bosquet. Guère après, elle se jette dans La Lonne... Elle conserve toujours une belle rangée de superbes platanes durant tout son parcours aux abords de la route de la Gare, jusqu'à quand ??? |
La Lonne. A la hauteur de la Rebutte, la roubine vieille se scinde en deux. Au début canalisée, cette deuxième partie, appelée La Lonne fait une grande courbe vers le Nord en jouxtant le chemin du même nom. Au Pont de la Gaffe, elle est rejointe par la roubine vieille pour ne former plus qu'une seule roubine jusqu'au contre-canal, puis au Rhône lui-même. Jusqu'à la mise en service de la nouvelle station d'épuration en l'an 2000 au bout du chemin du Mouton, c'était la seule évacuation des eaux du village, y compris les eaux pluviales venant de la Montagnette… Maintenant, l'ensemble des eaux usées qui transitent par le tout-à-l'égout passent par la nouvelle station d'épuration pour finir dans le contre-canal du Rhône plus en amont… |
Même avec les moyens modernes de curage son entretien pose encore des problèmes car ses rives, de simples levées de terre, sont très fragiles. Des points d'étranglement existent toujours(28) et son débit maximum est loin de couvrir les besoins d'évacuation des eaux de ruissèlement par forte pluie. D'ailleurs, régulièrement en automne, l'eau passe au-dessus du Pont de la Gaffe qui, avec ses 12m d'altitude, est le point le plus bas du village… Hélas, la maladie du chancre coloré a terrassé tous les magnifiques platanes qu'elle nourrissait, et c'est maintenant tristesse que de voir ses abords complètement dénudés ou presque. Une tentative de reboisement est en cours, mais les arbres choisis ne semblent pas être la solution idéale. Trop feuillus, ils n'arrivent pas à 'tenir' au Mistral et le plus souvent leurs branches s'arrachent, ce qui n'est pas l'idéal… |
Les moulins à eau... Ils sont connus depuis les romains et sont certainement les premières "machines" à force naturelle. Très utiles dans tous les endroits où l'eau est courante et les périodes d'étiages inexistantes ou presque. Ils ont servi à tout et à tous. On peut même dire qu'ils sont la base de la fortune d'Avignon qui a su habilement tirer parti des nombreuses sorgues qui traversent la cité Papale... |
Coupe des derniers platanes malades aux abords de la roubine Vieille sur le chemin du Pont de la Gaffe en janvier 2011 |
Pour Barbentane et sur le village même, quatre au moins sont répertoriés, mais il est probable que d'autres ont dû exister. Un était situé sur l'actuelle place St Joseph. Un deuxième était installé au Deyme, au débouché de la rue des écoles sur l'ancienne route de Boulbon. Un troisième était alimenté par l'eau coulant de la source de la Fontaine, probablement situé aux anciennes arènes Sauvant-Berquet ou a l'ancien lavoir public… Le dernier est le plus connu, car il a même servi de surnom aux familles habitant le quartier où il était bâti. Il était installé n°347 sur le chemin du Pont de la Gaffe juste à côté de l'actuel stade du Bosquet... |
Sur la carte de Nicolas Dipre de 1514, on distingue nettement un moulin à eau installé à Barbentane sur une barge dans le Rhône |
Une trouvaille récente : sur la carte de Nicolas Dipre de 1514(29), on distingue nettement un moulin à eau installé sur une barge dans le Rhône. A ma connaissance c'est la première fois que l'on place un moulin à eau directement dans le Rhône à Barbentane... Changeant souvent de mains selon l'époque et les circonstances, plus aucun n'est resté en l'état et c'est dommage... Mais, la technique pourrait revenir rapidement à la mode pour peu que l'on soit obligé de faire nous-mêmes notre électricité. En effet, constamment en eau ou presque, toutes nos roubines se prêteraient à merveille à une utilisation de fabrication d'électricité. Il suffirait de quelques biefs, de matériaux adaptés, d'une technicité évoluée et d'une bonne volonté politique ou d'une impérieuse nécessité économique pour refaire ce que nos anciens ont toujours fait… Les Puits... Forcément, nécessité faisant loi, il y en avait partout : dans le village, les faubourgs, la plaine, et aussi dans la Montagnette... Il est possible que le plus ancien soit celui du mas Livent sur la route de Boulbon aux confins des limites barbentanaises. Creusé directement dans le rocher par les romains, il est toujours "en activité", surmonté d'une conque en pierre du plus bel effet, il a même servi de décor pour le film l'Arlésienne de Jacques de Baroncelli qui est sorti en 1930... |
Le puits romain du mas Livent est surmonté d’une conque en pierre |
Le plus vanté est celui de la Tour Anglica puisque célébré dans un poème "Le puits du Seigneur" par le félibréen saint-rémois Marius Girard. Il n'est plus visible aujourd'hui. Il était adossé à l'Ouest, sur l'arête rocheuse où est située la Tour, on le distingue quand même nettement sur un dessin du célèbre Albert Robida. De triste mémoire quand même, puisque selon sa légende il aurait servi de cul de basse-fosse où l'on jetait vivants les Chevaliers indélicats... |
Sur l’arrête rocheuse le puits de la Tour Anglica (dessin de Robida) |
Le village en fourmille, outre les puits publics installés à côté de l'église et celui de l'impasse Puits Matheron (au n°12 de la Grande Rue), d'autres étaient d'usage privé, impossible de tous les recenser surtout maintenant que tous, ou presque, ont été bouchés. On connait celui des Mondragon au n°7 rue de la Croix Rouge, celui du n°6 de la Grande Rue. Sans être affirmatif, la Maison des Chevaliers, le Château d'Andigné, la Maison des Templiers et biens autres demeures devaient aussi en posséder... Dans les faubourgs, le château du Marquis a le sien, le moulin Joubert aussi. Il y en avait un à l'emplacement du Monument aux Morts, un au moulin de Bretoule, un au moins à la Rebutte, plusieurs sur les Fourches, etc... Chaque quartier avait le sien, parfois ils étaient collectifs, parfois d'usage individuel... |
Le puits de la Ville sur la route de Frigolet |
Dans la plaine comme dans la Montagnette, tous les mas avaient le leur. Hélas, dès l'apparition des pompes à mains, ils ont été remplacés par de vulgaires tuyaux en fer, beaucoup plus facile à utiliser et surtout beaucoup moins chers à implanter... |
Le puits du mas Gavard avec sa ‘pile-abreuvoir’ accolée |
La Source de la Fontaine |
Un puits au quartier Sur les Fourches |
Si celui de l'Hermitage de Bagalance a été vendu vers les années 1950, il en reste quand même quelques-uns, antiques, mais très champêtres comme celui du Puits de la Ville sur la route de Frigolet et celui décoratif qui est situé sous la route des Moulins. Le puits du mas Livent est l'un des plus beaux, mais le plus bucolique à mes yeux reste celui du mas Gavard avec sa pile-abreuvoir(30) posée sur son côté… Quartier la Fontaine... Quartier bien nommé, puisque c'est à cet endroit, et depuis les temps les plus reculés, qu'était la véritable source inépuisable d'eau claire et potable de nos ancêtres. Cette résurgence, qui est toujours présente et toujours active, arrive directement des entrailles de la Montagnette pour s'écouler à moins d'un mètre de profondeur sous la fontaine de la place de la Fontaine... |
On sait que nos anciens puisaient cette eau par une pousaraco(25) installée au bout du chemin de Cadeneau actuel pour la déverser dans un grand bassin semi-circulaire installé là où est maintenant le parking du lotissement Bourguet... Et, tous les jours, les femmes qui habitaient le haut village venaient y puiser les 40 litres d'eau nécessaires pour les besoins quotidiens de la famille… Lourdement chargées, elles remontaient par le chemin de Rampale et la sente aux escaliers qui se trouve au Sud de l'Hospice pour pénétrer dans le Centre Historique par la poterne Pujade(31). C'était, et cela reste encore dans de nombreux pays, un travail exclusivement féminin(32)... |
Des lavoirs étaient installés à la déverse du bassin et le surplus d'eau s'évacuait en plusieurs bras. L'un d'eux, le plus connu nommée "la Source", passait dans la buvette des arènes Sauvant-Berquet et servait de frigo naturel, peu couteux et jamais en panne, pour tenir les boissons au frais lors des courses de taureaux. Ce bras alimentait aussi le lavoir municipal maintenant détruit. Un autre bras est lui aussi toujours présent, il reste très mystérieux car malgré des essais de localisation avec du colorant, il finit sa course on se sait où dans la plaine... |
Le quartier de la Fontaine |
La distribution d'eau au village... Pour les Barbentanais habitant le village, les puits n'avaient pas toujours une eau "agréable" et faire la navette du quartier de la Fontaine, là où l'eau était plus "saine", pour la remonter au village était une solution demandant de gros efforts... |
La fontaine du Cours |
Donc, à partir du milieu du XIXème on a commencé à construire des "machines", soit avec des poulies, soit avec des systèmes plus ou moins compliqués, qui devaient "aider" à remonter plus facilement l'eau des puits. Hélas, le plus souvent ces machines sitôt installées et payées tombaient "en panne" au grand dam de la population. Le problème étant récurrent, un charlatan se disant sourcier se présenta en disant qu'il y avait de l'eau sur la "côte" à faible profondeur, pour finalement ne rien trouver… Les choses évoluèrent et en 1855 on installa une "machine hydraulique" de 16 000Frs sur la roubine vieille pour monter l'eau de la source saine de la Fontaine jusque sur le Cours. C'est en 1858 que l'on inaugure sur le Cours et en grande pompe (si l'on peut dire) la fontaine qui s'y trouve encore... |
Une superbe plaque y est installée avec une inscription en latin à peine lisible maintenant et qui dit à peu près ceci(33) : "C’est ici que coule une eau claire désirée depuis des siècles, et amenée d’une source profonde avec un art consommé sous l’inspiration de vénérables conseillers municipaux, l’approbation de Mr Petre, Maire de la ville, et la joie unanime des habitants de Barbentane. Ce monument fut béni en l’an du seigneur 1858 par l’illustrissime et révérendissime Monseigneur Chalandon, Archevêque d’Aix, Arles, et Embrun"... |
Peu rentable, avec de grosses difficultés pour fonctionner régulièrement, cette machine fragile était plus souvent à l'arrêt qu'en activité. En 1896 un mécanicien de Bagnols installa un moulin à vent au Séquier pour monter l'eau jusque sur cette place et la faire redescendre par gravité sur le Cours. Cette fois-ci la technique fonctionne, mais l'eau ainsi acheminée n'était pas fameuse et du coup les récriminations furent fort nombreuses… En 1902, et de façon tout à fait opportune, grâce à la vente de parcelles incultes dans la Montagnette au Comte Charles de Bigault de Granrut (voir ce dossier) pour construire son futur château, les choses finissent par évoluer... |
La fontaine de la place de la Fontaine |
La fontaine de la place de la Poste |
Maintenant, l'eau est partout installée, les dernières maisons du village ont été raccordées avec la mise en place du tout-à-l'égout dans les années 1960… Il nous reste un puits place de l'église, un autre au Puits de la Ville, une fontaine sur le Cours, une fontaine récente sur la place de la Poste et une autre rénovée au quartier si bien nommée de la Fontaine. Hélas, les puits ne servent plus que de décorum et les fontaines ne délivrent de l'eau que pour arroser les fleurs. C'est un grand signe de richesse que nous envient 1 milliard d'êtres humains de part le monde qui n'ont toujours pas accès à une eau potable de qualité... |
Quand même, quelques points publics avec une eau potable sont aussi répertoriés : un aux wc publics de la Route du Pont de Guyot, un aux wc publics de la place du Marché, un autre sur le parking en face du Moulin de Bretoule, un autre au boulodrome de la Montagnette et un autre au cimetière... |
L’eau actuelle... Depuis 2012 l'eau distribuée au village n’est plus la même. Des travaux ont été réalisé jusqu'à fin décembre 2011 pour faire un nouveau forage au quartier de l'Étang, en devant du mas Bassette. L'eau ainsi puisée à 90m de profondeur dans une veine karstique arrive en ligne directe des Alpes dans une sorte de "Durance-bis" souterraine… Elle est ensuite amenée de façon classique par conduite forcée au grand réservoir(34) qui jouxte le nouveau groupe scolaire des Moulins et elle est distribuée par gravité aux maisons du village... |
Le village vu du Nord |
Le grand réservoir qui jouxte le nouveau groupe scolaire des Moulins |
Ce nouveau forage devrait donner une eau plus sûre, moins soumise aux pollutions toujours possibles de l'eau actuelle issue de la nappe phréatique qui reste très fragile. Avec une possibilité de 300 000m3 par an, il peut subvenir aux besoins d'une population de 5 000 personnes, ce qui nous laisse une belle marge de progression démographique(35)… A ce jour, je pense avoir fait le tour du sujet mais, par définition, on pourrait dire que l'eau reste une éternelle source d'écriture... Qui sait si d'ici quelque temps je ne sois pas obligé d'en irriguer encore quelques pages... Guy |
Remerciements particuliers à Mesdames et Messieurs : Michel Moucadeau (1er adjoint), Denis Martin, Jean Vernet, Monique Vernet, Marcelle Vernet, Gabriel Enjoloras, Maître Maurice Guilhermont, Claude Ayme, Geneviève Bertaud pour leur aide indispensable à la rédaction et correction de cette étude. Sources : Toutes les études et livres qui ont été publiés sur le village (voir mon dossier : bibliographie de Barbentane) ================================================================== (1) Pour une étude complète de cette rivière voir ce site (2) Pour une étude complète de ce fleuve, voir ce site (3) Concernant l'eau, dans notre "nomenclature" provençale, une Caisse est un lieu humide qui reçoit les eaux pluviales ou résurgentes en formant des espaces incultivables propices pour donner les fièvres paludiques présentes jusqu'au siècle dernier dans nos contrées. Une Roubine est un ruisseau de plus ou moins grande importance qui permet l'évacuation des eaux usées vers un fleuve ou une rivière. A l'inverse, un Canal est une construction humaine, là aussi de plus ou moins grande importance qui permet d'amener les eaux d'une rivière ou d'un fleuve vers les terres à irriguer. Une filiole (à Barbentane on prononce simplement fiole) c'est une subdivision du Canal (en fait une rigole de terre) qui permet d'amener l'eau du canal jusqu'à la surface à irriguer. Un ruisseau c'est une rigole (plus petite qu'une filiole) qui permet d'évacuer les surplus d'irrigation vers la roubine. Une Tap (un bouchon) est une motte de terre avec des herbes accrochées qui permet de régler le débit de l'eau dans la raie à arroser. (4) Voir à ce sujet mon dossier sur l'Origine de nom de Barbentane en cliquant ici. (5) C'est durant les 3 premiers jours de décembre 2003 que Barbentane et la basse vallée du Rhône ont connu un épisode pluvieux remarquable, le dernier en date. Le Rhône a atteint ces jours-là sa crue centennale en causant des morts et de nombreux dégâts surtout en Arles (voir les documents qui étudient ces évènements en cliquant ici et ici). (6) Ce ru sera traité dans la 2ème partie de ce document. (7) Après s'être formé, il s'écoulait pendant tout l'hiver qui suivait, parfois directement dans les maisons les plus basses du quartier de la Fontaine, ce qui obligeait les habitants du lieu de vivre sur un parterre de planches surélevées par des plots en pierre. (8) Cet oppidum est situé à proximité immédiate du passage sous les voies de chemin de fer au bout de la draille de Cacalauze en direction de Graveson. (9) C'est d'ailleurs pour cela que de nombreux quartiers du lieu portent des noms très significatifs : Les terres de la Sainteté, celles de l'Hôpital, etc... (10) Ces informations sont extraites d'une publication de l'Annuaire de la Société des Amis du Palais des Papes de 1996, sous le titre de : La déviation du lit de la Durance au XVème siècle. (11) On peut suivre, je dirai presque au jour le jour, toutes les tribulations judiciaires, les inondations, etc... qu'ont eu les Barbentanais durant ces époques dans les livres de Monsieur Denis Martin : Chronique Communale de Barbentane au XVIIIème siècle et Révolution et XIXème siècle. Ces livres sont toujours disponibles dans les commerces du village. (12) Je ne reviendrai pas en détail sur ce fleuve, cela a été très bien et largement développé dans le livre de Maurice Courdon et Denys Turrier : Terre Barbentanaise (de la page 122 à 130), livre toujours disponible dans les commerces du village. (13) On peut le lire tel quel dans le livre de Denys Turrier : Dans la lueur du Fleuve-Roi, toujours disponible dans les commerces du village. (14) Des textes notent que son lit est remonté de 1,5mètre depuis ces 50 dernières années. D'ailleurs, à Avignon aux abords du Pont St Bénezet, on peut le traverser presque à pied, seul un chenal qui permet la navigation des bateaux est un peu plus profond. (15) Voir mon dossier sur la construction de la gare de Barbentane-Rognonas en cliquant ici. (16) Une martillière est un système qui permet de fermer un canal, une Caisse ou une Roubine ou une Filiole. Généralement en fer, maintenant aussi en aluminium, c'est une simple plaque qui coulisse entre deux supports qui lui servent de guide. Sur sa partie supérieure elle est munie d'un bras qui lui permet d'être manœuvrée pour régler le débit d'écoulement de l'eau dans les filioles. En général, elle possède aussi un système permettant la pose d'un cadenas pour éviter que des malveillants viennent l'ouvrir, intentionnellement ou par accident, ce qui noierait les terres. (17) Ce qui correspond à une journée de consommation moyenne pour tous les Barbentanais raccordés aux eaux municipales, soit environ 1 200 foyers. (18) Ce débit instantané est maintenant contesté, après révision il a été "descendu" à 11 500 m3/s, mais avec la remontée du lit du fleuve de 1,50m les conséquences de cette crue sont des plus néfastes. (19) Les records de crues dans les temps historiques est celui de 580 ou de 1548 avec des débits à 14 000 m3/s. (20) Crues millénales trois fois atteintes au XIXème siècle en 1843, 1882 et 1886. (21) Dommage que leur nom originel de "Pomme d'amour" ait été supplanté par celui beaucoup moins poétique de tomates. (22) Avec aussi de nombreux fruits : voir ce site (23) Mais aussi la vallée du Rhin et les Polders de Hollande qui ont les mêmes caractéristiques agricoles. (24) Arrosages par aspersion ou au goutte à goutte. (25) En provençal pousoroca ou pousaraco (de pous, puits, et roca, vomir) désigne un puits à roue, une noria. Le toponyme de Pourraque est assez répandu en Provence. En Avignon, il y a même une école Persil-Pouzaraque intra-muros. (26) Ce ne pourrait-être qu'une apparence, car il se fait jour une pollution insidieuse car invisible, mais néanmoins très dangereuse pour l'humanité celle de tous les résidus pesant quelques nanogrammes (résidus pharmaceutiques, aluminium, plomb, mercure, etc...). (27) Voir la page 143 du livre Histoire de Barbentane de René Jarno et Henri Linsolas. (28) Voir pour cela les projets d'aménagements avancés par Monsieur Pierre Vernet, élu municipal, dans le Du Haut de la Tour n°67 d'octobre 2008. (29) On peu voir une reproduction de cette splendide et historique carte en mairie dans la salle des mariages. (30) Ne dites plus "l’évier", dites comme en Provence "la pile" c’est bien mieux. C’est un grand bassin creusé directement dans la pierre, où l’on lavait les plats, les assiettes, les couverts et tous les légumes, les secs comme les verts. On y lavait le linge à l'année et aussi les marmots qui s'en régalaient. Un évier à tout faire qui était souvent dans la "gatouille", lieu magique qui servait aussi de cuisine. Un espace avec un coin cheminée où l'on pouvait faire des confitures et des conserves sans risque de salir vu que le sol était en terre battue absorbant tous les débordements liquides qui s'échappaient naturellement et aussi ceux des inévitables accidents. (31) Le nom de Pujade viendrait du mot pujar (monter ou montée) qui tirerait sa source du latin podiare qui a donné le mot podium. En Espagne le mot pujar est synonyme de lutter mais aussi de faire un effort. Au Portugal il pourrait se traduire par s'efforcer. Pour moi, la rue Pujade est synonyme de qui donne de la peine vue les efforts que devaient faire les femmes pour remonter l'eau de la Source de la Fontaine. (32) A l'instant où j'écris ces quelques lignes, un film "La Source des femmes" va sortir. Qui sait si les Barbentanaises n'ont pas, elles aussi, employées les mêmes moyens pour que les hommes suppriment cette pénible corvée ? (33) Plusieurs interprétations sont possibles, mais elles ne varient que sur des détails minimes. Normalement, la plaque d'origine devrait être rénovée sous peu. (34) Construit dans les années 1970, il a remplacé l'ancienne citerne située sous le parking du Séquier qui ne sert plus que de réservoir de secours pour les pompiers. (35) Actuellement sur les 1 800 foyers installés à Barbentane, 1 200 sont raccordés au réseau d'eau potable communal et 570 foyers sont en assainissement individuel.
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Dans sa partie haute, on retrouve un pont dit "Pont romain" du fait de sa proximité avec ce qui a tout lieu d’être supposée une ancienne voie romaine. En tout cas, sa facture est très ancienne... |
Pour obliger les eaux de ruissellements de se diriger vers le Colombier et non pas vers l’Étang, les anciens ont érigé cette digue juste après le Pont Romain. Qui étaient-ils ? Des Romains ? A ce jour, nul ne le sait, en tout cas ce n’étaient pas de petits travaux... |
Un tombo-levo photographié avant la guerre de 1940 |
Reste d’une pousaraco dans un champs sur la route d’Avignon |
La petite fontaine de la rue du Séquier |
La petite fontaine de la rue du Paty |
Avec les 10 000frs récoltés, la municipalité a enfin les fonds nécessaires pour faire installer une vraie pompe par un vrai ingénieur avec de vraies canalisations pour réaliser une distribution pérenne d'eau potable en divers points du village. Au début, et c'était déjà du bonheur, l'eau n'était pas encore amenée dans les maisons, mais les petites pompes vertes qui marchaient en tournant une manivelle fleurissent un peu partout. A ma connaissance, il en reste encore deux, une rue du Paty, une autre rue du Séquier… |
Avec ses eaux, Barbentane vous attend ! |
Barbentane, le plus beau village de l'Univers |