BARBENTANE L’EAU (1ère partie) |
Barbentane, sans être une île, est quand même cerné de toutes parts par les eaux !!! Au Nord, la Durance(1) ; à l'Ouest le Rhône(2) ; au Sud, l'Étang et à l'Est les Caisses(3) ; en dessous la nappe phréatique et au-dessus les évènements météorologiques... Avec l'air, l'eau est l’un des éléments naturels indispensable à la vie sur terre. Elle occupe presque 80% de la surface du globe, c'est aussi l'élément le plus abondant. Toutefois, en grande partie salée, son utilisation fertile passe par un cycle long et très complexe d'évaporation/précipitation qui met en jeu l'ensemble des forces naturelles terrestres comme le vent, le soleil, la température, etc... |
C'est aussi, avec sa formule de composition H2O, un élément chimique très poétique qu'étudient en premier tous les écoliers, même si son étude n'est pas, loin s'en faut, une sinécure. Et pourtant, quelle joie elle procure quand, l'été, les mêmes vont à la mer ou en bassin clos la brasser à pleines mains… Hélas, c'est aussi l'élément le plus capricieux. Elle est soit manquante ! Soit abondante ! Rarement à la quantité souhaitée pour une vie naturelle sans risque. |
Autant dire que quand elle manque elle tue, quand elle est en trop grande quantité elle a aussi le même effet. Pire, les hommes la réclament et quand elle se précipite à leur secours, elle a tendance à le faire de si violentes façons qu'elle met tout autant leur vie en danger… Dès l'aube de l'agriculture, les hommes se sont empressés de la dompter pour optimiser les récoltes que la terre pouvait leur donner. Les premiers champs irrigués datent de 12 000 ans environ. Ils sont le socle des premières grandes civilisations qui, toutes, se trouvaient dans les vallées des grands fleuves tel que le Nil, le Tigre, l'Euphrate, l'Indus, le Mississipi, le fleuve Jaune... |
C'est aussi pour cette raison que les premiers agriculteurs se sont regroupés en villages. Car l'exploitation et l'entretien de ces systèmes d'irrigation, souvent très ingénieux, mais aussi très fragiles et complexes, avaient besoin d'une main d'œuvre abondante pour la construction des digues et l'entretien constant des canaux. L'avantage procuré était indéniable. Ces champs irrigués donnaient à manger à satiété sans avoir besoin de constamment se déplacer même si la chasse et la cueillette sont restés pendant très longtemps des compléments naturels de subsistances. Ce n'est que quand l'élevage est né, il y a 8 500 ans environ, que la majorité des hommes se sont définitivement sédentarisés et toujours à proximité immédiate d'un point d'eau potable... |
Pendant très longtemps, les sources étaient vénérées. Les crues fertilisantes l'étaient tout autant, même si elles ravageaient les champs en même temps. D'ailleurs, le nom même de Barbentane, de part son étymologie, n'est qu'une prolongation d'une vénération celtique envers les sources thermales(4). Les premiers habitants de notre territoire, des Chasséens, s'étaient installés il y a 5 000 ans aux abords de la Montagnette en léger surplomb du lit d'une Durance historique... |
Les derniers mètres de la Durance avant son confluent avec le Rhône (photo prise du nouveau pont de la LEO) |
Elle coulait à l'emplacement actuel de la ligne du chemin de fer et à la limite présente de notre territoire avec celui de Graveson. Sans être affirmatif, il est tout aussi probable que le site même du village actuel ait été habité à cette même époque, ou peu de temps après, grâce à des sources naturelles qui étaient abondantes au quartier de la Fontaine. Dans le village même, une ou plusieurs sources étaient présentes sur le Cours... |
La Durance amont vue du nouveau pont de la LEO, les îles y sont toujours aussi nombreuses |
Extrait de la carte faite en 1514 par Nicolas Dipre (musée Calvet d’Avignon). La Durance avec ses îles et bacs |
Malgré son aridité de surface, la Montagnette est parsemée de sources, plus ou moins secrètes, le plus souvent temporaires et/ou éphémères… De nombreux vallons sont verts à l'année ce qui laisse à penser que l'eau doit affleurer ou se trouver à une très faible profondeur... |
Sans être un fait historiquement avéré, du moins pour l'instant, tout laisse à penser que le site de Saint Michel de Frigolet était une villae rusticae romaine qui, grâce à une eau abondante, devait avoir une agriculture très rentable au milieu de la Montagnette. Le quartier des Carrières n'a jamais manqué d'eau et dans les nombreux mas qui parsèment la Montagnette nos anciens, qui se contentaient de peu d'eau, s'accommodaient très bien de cette rareté. Maintenant c'est plus simple, avec des moyens mécaniques on fait un forage puis on plante un bon tuyau et avec des pompes de relevage l'eau arrive en abondance. D'ailleurs tous ces mas, qui étaient encore à l'abandon il y a une quarantaine d'années, sont devenus de riches résidences opulentes qui ne reflètent pas, loin s'en faut, la pauvreté... |
L'augmentation de la population aidant, l'eau potable et immédiatement utilisable va se faire de plus en plus rare. Déjà, dans la frange méditerranéenne qui va de la Turquie à l'Égypte en passant par la Syrie, le Liban, Israël et la Palestine, l'eau est une source permanente de tension, en plus de celle de la possession des terres agricoles. L'hégémonie d'Israël sur l'exploitation de l'eau potable va mettre en péril toutes les ressources de la Palestine et cela, tôt ou tard, se terminera par un drame aux conséquences néfastes... Mais revenons vers des eaux moins conflictuelles, même si durant sa longue histoire Barbentane a toujours été en conflit avec ses voisins sur nos eaux limitrophes... |
Au Sud, l'Étang... Sans être extraordinaire, la présence d'un étang spontané dans les collines provençales est une rareté. Il se forme dans une cuvette naturelle à plus ou moins 40m d'altitude au-delà du stade de Rampale et en bordure de la route de Frigolet. Il reçoit les eaux de ruissellement des collines environnantes. Bien sûr ce quartier porte le nom de l'Étang et il est bordé au Nord par celui de Bassette… Certes, il ne s'est plus formé de façon nettement visible depuis 1974. En décembre 2003(5), il s'est bien sûr rempli mais pas de façon sensible ni autant que les autres années, ce qui est plus surprenant. D'ailleurs, ce ne fut pas sans conséquences graves pour le village... |
Dernière photo de l’étang le 1er mai 1974, quand il arrivait aux abords de la route de Frigolet (Col Élise Chaylan) |
Jamais de mémoire de Barbentanais le Colombier(6) n'avait été aussi "gros" et en se jetant directement dans la plaine, toutes les parties basses du village furent inondées. Ce qui a occasionné de nombreux dégâts dans les lotissements aux maisons pas assez surélevées. Auparavant, l'étang servait de réservoir tampon et il mettait plusieurs mois pour s'écouler en direction du quartier de la Fontaine(7)... |
Aire actuelle de l’Étang vue de l’Est |
Au Nord, la Durance... Si, de nos jours, son lit est clairement délimité par des berges plus ou moins bétonnées et endiguées, ce n'était pas le cas aux temps historiques. Tous les témoignages assurent qu'elle s'écoulait en plusieurs lits plus ou moins importants. Sans remonter dans les temps géologiques antérieurs, il y a 2 000 ans à peine, un premier lit passait entre Barbentane et Rognonas en filant rejoindre le Rhône vers Arles. Des fouilles importantes, menées il y a une quinzaine d'années, ont mis à jour un site important, peut être un port sous l'oppidum de la Roque(8). Un autre lit, probablement peu important, passait au ras du village actuel en suivant l'ancien tracé de la route de Boulbon jusqu'au lotissement du château. C'est ce lit que les Barbentanais ont utilisé en le transformant en Roubine(3), dite bien sûr Roubine vieille et sur laquelle ils avaient installé des moulins à eau qui ont servi jusqu'à la fin du XIXème siècle. Dans l'espace compris entre la roubine Vieille et la Durance actuelle, de multiples bras couraient, formant des îles plus ou moins grandes autant qu'éphémères. L'une d'entre-elles a quand même marqué l'histoire et sans rentrer dans les arcanes du procès qui s'est tenu en l'an 1500, on peut dire que ce fut l'origine du terroir actuel du Nord de Barbentane... |
Avant cette date, tout l'espace compris entre Avignon et le village appartenait à la Papauté sous le nom de l'Olme d'Ampal (ou du grand Olme d'Ampal). Mais, depuis longtemps, petit à petit, avec ténacité, les Barbentanais (avec les Rognonais et les Châteaurenardais) poussaient les nombreux bras de la Durance vers le Nord en construisant des digues rustiques. Ces levées étaient faites de branchages entrelacés avec de la terre tassée et des rochers, les fameuses pallières. Aidée par les multiples inondations de cette capricieuse rivière, entre l'an 1436 et celui de 1449, la Durance s'est frayée brutalement un nouveau lit directement dans les terres avignonnaises... |
Panoramique du confluent de la Durance au Rhône vu des hauteurs de St Pierre Lavernède |
Et, pour finir, Fleuve-atomique !!! Pas moins de 7 centrales nucléaires y puisent leurs eaux de refroidissement en le polluant toujours un peu plus… Elles y déversent, toujours par mégarde bien sûr, quelques nucléides dont il se passerait bien. Il n'est qu'à espérer que par périodes d'étiage il reste quand même assez d'eau pour éviter que ces usines de malheur ne s'emballent, ne transformant Cruas en Tchernobyl ou Cadarache en Fukushima. Alors, adieu la vallée du Rhône, elle ne sera plus qu'une vallée sans vie réservée aux mortels atomes... |
Sa Majesté le Rhône amont vu du pont d’Aramon |
Fleuve-International, il traverse 3 cantons suisses et 10 départements français pour finir dans le plus beau des deltas, notre Camargue, à la faune et à la flore incomparables même en méditerranée… Fleuve-Roi, oui, assurément d'après Bernard Clavel. Chanté par Frédéric Mistral et bien d'autres poètes, il reste néanmoins un impétueux sauvage(13), tempétueux, violent, jamais dompté malgré tous les aménagements artificiels que les hommes ont pu lui apporter... |
Fleuve-frontière, il a toujours été une limite naturelle, celle que les hommes s'ingénient à inventer pour se séparer, se distinguer. Entre le Comtat Venaissin et le Royaume de France, entre la Provence et le Languedoc, même si dans ce dernier cas son imperméabilité était plus pratique que linguistique. Encore maintenant, le franchir n'est pas toujours si facile et même si avec les techniques modernes les ponts sont plus faciles à construire, ils ne sont pas si nombreux obligeant parfois à faire des détours compliqués pour le traverser... |
Sa Majesté le Rhône aval vu du pont d’Aramon |
Fleuve navigable, depuis que les hommes existent, il sert de voie de communication entre le Nord et Sud et le Cratère de Vix a dû l'emprunter pour aller orner la tombe de la belle princesse celte à qui il était destiné. Maintenant les péniches et les barges qui le remontent dans un train de sénateur font oublier le temps où, sur le chemin de halage, les hommes et les bêtes tiraient des bateaux lourdement chargés. Travail pénible, travail dangereux, il n'était pas rare que sur ces lés glissants certains finissaient par tomber au Rhône et être emportés dans ses eaux rapides et puissantes... |
Jusqu'à l'arrivée du chemin de fer, c'était le seul moyen de transport de masse ce qui faisait que par temps de disette les Barbentanais se muaient en corsaires pour intercepter des cargaisons de blé ce qui leur permettait de subsister. Si tout cela est fini, il nous reste encore quelques grands mas très typés, ceux qui abritaient ces hommes et ces chevaux quand ils étaient au repos... |
Fleuve pollué, depuis les temps industriels, les hommes s'en sont servi pour lui refiler toutes leurs nombreuses saloperies. Maintenant c'est une immense poubelle aux eaux peu claires. Pyralène, mercure et autres déchets dangereux rendent impropres à la consommation les quelques poissons blindés qui arrivent encore à survivre dans ses eaux abondamment souillées. En plus, par cette pollution qui ne peut s'enlever, ni même être touchée, il devient impossible à curer, se chaussant de plus en plus(14), son lit ne peut même plus absorber la moindre montée des eaux…. |
Si, par des mesures volontaires, les villes qui le bordent n'y rejettent plus leurs eaux usées, il n'est pas certain que tous ses affluents puissent en dire autant. Il faudra probablement des siècles pour qu'il reprenne une fonction alimentaire saine et que se réinstallent pour notre plus grand bonheur la faune aquatique de ses origines... |
Fleuve légendaire avec sa Tarasque tarasconnaise. Quand les temps étaient plus rustiques et que dans ses berges broussailleuses pouvaient y vivre en toute tranquillité, ou presque, des crocodiles qui, de temps, venaient croquer des enfants. La mémoire des hommes a réussi à conserver ces tragédies mais, dans l'oralité du déroulement des siècles passés et avec notre propension à vouloir tout grossir, nos ancêtres ont transformé ces reptiles aquatiques somme toute assez plats en une chimère gigantesque… Fleuve-refuge, quand ses accotements étaient des havres de paix, de vies cachées. Les aigles de Bonelli, les sangliers, les lapins, les castors et bien d'autres bestioles, entre deux crues, y vivaient en toute tranquillité. Maintenant, corseté de digues bétonnées en de nombreux endroits, ses rives ne servent plus à rien... |
Adossées au contre-canal les berges du Rhône commencent à se reboiser, à redevenir un refuge pour le plus grand bonheur des bêtes sauvages. |
La vallée de sa Majesté le Rhône, en Suisse dans le Canton du Valais, avant la traversée du lac Léman. Dans le fond et à gauche la ville de Saillon qui est jumelée avec Barbentane |
Même les tagueurs, ces grands spécialistes de l’enlaidissement, ne s'en servent pas. Pourtant, ces immenses espaces, lisses à souhaits, pourraient servir de tableaux à leurs minables dessins qui défigurent toutes nos cités... |
A l'Est, les Caisses... A notre limite territoriale avec Rognonas à l'Est et Graveson au Sud-Est, longeant de chaque côté le talus de la ligne SNCF, se trouve une bande de 'terre', plus marécageuse que ferme, que depuis toujours les Barbentanais ont surnommé les Caisses. C'est en fait un des anciens lits comblés de la Durance où les Frères Talabot(15) ont abondamment puisé pour construire le remblai des voies de chemin fer qu'ils construisaient. Forcément plus basses que les terres environnantes, elles ont servi de drain, se remplissant d'une eau plus ou moins stagnante qui ne s'est pas révélée sans danger avec les fièvres qu'elles entretenaient…. |
Ces Caisses sont des espaces qu'il nous faut absolument conserver sauvages et en l'état, la biodiversité est indispensable pour notre survie, même si pour cause de réchauffement climatique elles peuvent se transformer en 'réservoir' à moustiques dangereux pour notre santé... |
Néanmoins, ces espaces humides sont de grande importance dans notre plaine. Tout en étant parsemé de résurgences, elles servent toujours à assécher les terres qui sont à proximité. Par un écoulement peu commun qui va du Sud vers le Nord, elles servent aussi de déversoir à l'écoulement des eaux de la Montagnette pendant les épisodes orageux. Il existe des 'passages', tous commandés par des 'martillières'(16), qui passent sous les voies SNCF et qui permettent de réguler l'eau entre les Caisses... |
Construction dans les Caisses du passage de la Liaison Est-Ouest (la LEO) sous les voies SNCF en avril 2007 |
Celle du Commandeur, qui se trouve à mi-chemin entre la route de la Gare et la route d'Avignon, a sa propre légende. Lors des épisodes de crues, les Barbentanais la gardaient le fusil à la main pour éviter que les Rognonais ne viennent l'ouvrir et ainsi évacuer leur eau de crue dans notre territoire. Il en était de même pour celle située plus au sud entre Barbentane et Graveson. A noter aussi que lors de la construction de la LEO aux abords de la Durance, les concepteurs ont eu beaucoup de difficultés pour installer les deux ouvrages d'art en-dessous de la ligne SNCF tellement le terrain était mouvant... |
Déjà, les emprises de la LEO les ont passablement écornées, en réduisant de fait ces surfaces de moitié, d'autant plus que les aménagements apportés pour évacuer l'eau risquent de se révéler dangereux car fortement sous-dimensionnés. Lors des prochains évènements orageux d'importance, les eaux qui stagnaient et s'évacuaient par ces écoulements vont se répandre maintenant dans la plaine qui n'avait nullement besoin de cela... |
La martillière qui est située la plus au Nord dans les Caisses |
La Roubine Nord qui permet d’évacuer l’eau des Caisses vers la Durance |
Autre conséquence de la 'modernisation' urbaine, les terres absorbantes, sous la pression des lotissements, des zones industrielles, des parkings, des serres chaudes ou froides... disparaissent à un rythme effrayant. Conjugué avec l'endiguement 'propre' des cours d'eau qui se jettent dans le Rhône tels que l'Ouvèze, l'Aygues, le Gier, etc... cela favorise une rapidité d'écoulement des eaux pluviales que l'on ne connaissait pas auparavant... |
En-dessous, la nappe phréatique... Même si cela peut paraître incongru à écrire, mais la plaine de Barbentane surnage !!! L'eau y est partout, à très faible profondeur, alimentée le plus souvent par la Durance. On peut planter très facilement le moindre tuyau et immanquablement il y a de l'eau. A deux à trois mètres à peine, même si on se force à aller la chercher à une profondeur plus conséquente par mesure de sécurité. Cette nappe est aussi très surveillée car, pour l'instant elle sert de source pour alimenter en eau potable tout les habitants du village. Le forage municipal est installé aux abords de la route d'Avignon avant la sortie du village et il "monte" l'eau au moyen de pompe de relevage jusqu'au grand bassin de la route des Moulins. Ce grand réservoir de 600m3(17) est situé tout en haut du village et il dessert ensuite les maisons par gravitation. Tous les mas, même certaines maison de ville, puisent leur eau dans cette nappe phréatique par au moins un forage, souvent plusieurs. Et c'est dommage que les moteurs électriques à pression aient remplacés presque toutes les antiques pompes à main, car le jour où la fée électricité fait défaut, en plus des bougies à allumer, on a même plus l'eau si indispensable au robinet… C'est un fait que les truands qui gèrent l'eau pour la municipalité, se régalent d'y rajouter du chlore pour la rendre, à ce qui paraît, plus sûre et surtout plus chère. Au résultat, cela donne une eau impropre à mettre sur la table et oblige les abonnés à payer bien cher de l'eau en bouteille pour pouvoir en consommer sans la recracher… Les évènements météorologiques... Si les crues, tant du Rhône que de la Durance, nous sont depuis longtemps connues, Tite-live en parlait déjà en 59 avant JC, il en n'est pas de même pour la météorologie, science relativement récente. C'est depuis à peine un siècle que l'on mesure avec précision les précipitations et leurs conséquences sur les bassins hydrauliques qui nous concernent. Sans être météorologue, j'ai quand même remarqué des phénomènes qu'il faut relater. A l'automne, quand la masse d'eau méditerranéenne qui s'est évaporée durant tout l'été commence à vouloir retomber, elle le fait d'une façon bien particulière. Une fois l'an, entre début octobre et fin décembre, elle choisit au hasard pour déverser ses trombes d'eau dans une violence cataclysmique une vallée qui débouche sur le Nord de la Méditerranée... |
Il n'empêche que cette eau est fragile, le moindre pépin industriel, la moindre crue, la rend impropre à la consommation… Et, toujours en 2003, il a fallu distribuer de l'eau en bouteille pour notre consommation, car celle de la nappe n'était plus sécurisée. Comme souvent pour les nappes, l’eau n'est quand même pas parfaite, elle est même assez calcaire... |
Niveau des nappes phréatiques en France le 14 juin 2011 (photo du web) |
Le pont Romain à Sommières (Gard, 30) lors de la Vidourlade du 30 octobre 2010 (photo du web) |
Alors de la vallée l'Èbre en Espagne jusqu'à la vallée de l'Arno en Italie, pour celle qui reçoit cet évènement météorologique désastreux ce n'est que ravages et désolations avec toujours des morts. Des rus insignes se muent en un instant en des torrents très puissants. Les nombreux petits fleuves côtiers méditerranéens se transforment rapidement en de vastes masses d'eaux qui débordent de tous les côtés en emportant tout ce qui peut être charrié... |
La télévision aidant, tout le monde connaît maintenant les Vidourlades, cet avatar du Vidourle, qui fait de ce ruisseau à peine signalé sur les cartes un monstrueux fleuve très dangereux. C'est ainsi que chez nous, quand cette masse d'eau se déverse, rares sont les fois ou le Rhône ou la Durance n'atteigne au minimum leur côte d'alerte. Si c'est seulement une rive du Rhône qui est touchée, avec les aménagements actuels, cela peut passer et encore. Si les deux rives sont touchées en même temps, au final comme la mer est elle aussi 'haute' ne permettant pas au Rhône de se déverser normalement, c'est la crue assurée. Le dernier épisode en date fut celui de décembre 2003 avec de fortes précipitations sur sa rive droite, heureusement moindre sur sa rive gauche, le Rhône atteignit un débit en pointe de 13 000 m3/s(18), ce qui place cette date dans les crues millénaires(19). Les dégâts furent considérables, Arles, Fourques, Aigues-Mortes, furent en partie noyés et 3 000 personnes ont été durablement touchées et il y eut des morts à déplorer... |
Barbentane, n°6 place St Joseph, hauteurs relevées de quelques crues du Rhône |
Quand les orages éclatent dans la vallée du Rhône, tous les affluents déversent encore plus rapidement leurs eaux et forcément tous en même temps. Il est donc probable que les anciennes crues, même les millénaires, soient rapidement dépassées par celles que l'avenir nous promet. Si, en plus, la Durance s'y met, elle qui peut arriver à des débits prodigieux de 6 000 m3/s lors de ses crues millénales(20), il y a intérêt à ne pas se désintéresser de la bonne solidité de nos digues et même dès aujourd'hui de sérieusement s'en préoccuper... Fin de la première partie... Guy Tous mes remerciements pour leur aide précieuse à Mesdames Monique Vernet et Marcelle Vernet, Messieurs Michel Moucadeau et Jean Vernet. Sources : l’ensemble des documents publiés sur Barbentane, voir ce dossier. (1) Pour une étude complète de cette rivière voir ce site (2) Pour une étude complète de ce fleuve, voir ce site (3) Concernant l'eau, dans notre "nomenclature" provençale, une Caisse est un lieu humide qui reçoit les eaux pluviales ou résurgentes en formant des espaces incultivables propices pour donner les fièvres paludiques présentes jusqu'au siècle dernier dans nos contrées. Une Roubine est un ruisseau de plus ou moins grande importance qui permet l'évacuation des eaux usées vers un fleuve ou une rivière. A l'inverse, un Canal est une construction humaine, là aussi de plus ou moins grande importance qui permet d'amener les eaux d'une rivière ou d'un fleuve vers les terres à irriguer. Une filiole (à Barbentane on prononce simplement fiole) c'est une subdivision du Canal (en fait une rigole de terre) qui permet d'amener l'eau du canal jusqu'à la surface à irriguer. Un ruisseau c'est une rigole (plus petite qu'une filiole) qui permet d'évacuer les surplus d'irrigation vers la roubine. Une Tap (un bouchon) est une motte de terre avec des herbes accrochées qui permet de régler le débit de l'eau dans la raie à arroser. (4) Voir à ce sujet mon dossier sur l'Origine de nom de Barbentane en cliquant ici. (5) C'est durant les 3 premiers jours de décembre 2003 que Barbentane et la basse vallée du Rhône ont connu un épisode pluvieux remarquable, le dernier en date. Le Rhône a atteint ces jours-là sa crue centennale en causant des morts et de nombreux dégâts surtout en Arles (voir les documents qui étudient ces évènements en cliquant ici et ici). (6) Ce ru sera traité dans la 2ème partie de ce document. (7) Après s'être formé, il s'écoulait pendant tout l'hiver qui suivait, parfois directement dans les maisons les plus basses du quartier de la Fontaine, ce qui obligeait les habitants du lieu de vivre sur un parterre de planches surélevées par des plots en pierre. (8) Cet oppidum est situé à proximité immédiate du passage sous les voies de chemin de fer au bout de la draille de Cacalauze en direction de Graveson. (9) C'est d'ailleurs pour cela que de nombreux quartiers du lieu portent des noms très significatifs : Les terres de la Sainteté, celles de l'Hôpital, etc... (10) Ces informations sont extraites d'une publication de l'Annuaire de la Société des Amis du Palais des Papes de 1996, sous le titre de : La déviation du lit de la Durance au XVème siècle. (11) On peut suivre, je dirai presque au jour le jour, toutes les tribulations judiciaires, les inondations, etc... qu'ont eu les Barbentanais durant ces époques dans les livres de Monsieur Denis Martin : Chronique Communale de Barbentane au XVIIIème siècle et Révolution et XIXème siècle. Ces livres sont toujours disponibles dans les commerces du village. (12) Je ne reviendrai pas en détail sur ce fleuve, cela a été très bien et largement développé dans le livre de Maurice Courdon et Denys Turrier : Terre Barbentanaise (de la page 122 à 130), livre toujours disponible dans les commerces du village. (13) On peut le lire tel quel dans le livre de Denys Turrier : Dans la lueur du Fleuve-Roi, toujours disponible dans les commerces du village. (14) Des textes notent que son lit est remonté de 1,5mètre depuis ces 50 dernières années. D'ailleurs, à Avignon aux abords du Pont St Bénezet, on peut le traverser presque à pied, seul un chenal qui permet la navigation des bateaux est un peu plus profond. (15) Voir mon dossier sur la construction de la gare de Barbentane-Rognonas en cliquant ici. (16) Une martillière est un système qui permet de fermer un canal, une Caisse ou une Roubine ou une Filiole. Généralement en fer, maintenant aussi en aluminium, c'est une simple plaque qui coulisse entre deux supports qui lui servent de guide. Sur sa partie supérieure elle est munie d'un bras qui lui permet d'être manœuvrée pour régler le débit d'écoulement de l'eau dans les filioles. En général, elle possède aussi un système permettant la pose d'un cadenas pour éviter que des malveillants viennent l'ouvrir, intentionnellement ou par accident, ce qui noierait les terres. (17) Ce qui correspond à une journée de consommation moyenne pour tous les Barbentanais raccordés aux eaux municipales, soit environ 1 200 foyers. (18) Ce débit instantané est maintenant contesté, après révision il a été "descendu" à 11 500 m3/s, mais avec la remontée du lit du fleuve de 1,50m les conséquences de cette crue sont des plus néfastes. (19) Les records de crues dans les temps historiques est celui de 580 ou de 1548 avec des débits à 14 000 m3/s. (20) Crues millénales trois fois atteintes au XIXème siècle en 1843, 1882 et 1886. |
Barbentane et ses eaux vous attendent ! |
Barbentane, le plus beau village de l'Univers |
Durant presque tout le XVIIIème siècle, les seigneurs avignonnais qui étaient les propriétaires terriens des terres situées sur sa rive droite, se mirent eux aussi à repousser les eaux de la Durance vers Barbentane(11) et Rognonas. Cela entraîna de nombreux conflits, de nombreux procès, et il fallut attendre la construction de la ligne de chemin dans les années 1850 pour que son lit soit définitivement endigué, du moins sur sa rive droite de Bonpas jusqu'à son confluent avec le Rhône et sur sa rive gauche de Châteaurenard au confluent… Cela n'a pas empêché la Durance de reprendre tout son espace naturel lors des inondations qui ont suivi. On peut dire, sans guère se tromper, que tous les 3 ans en moyenne, elle venait faire un petit tour dans notre terroir. Trois crues millénales ont eu lieu au XIXème siècle : 1843, 1856, 1886. Au dire des historiens du village, ces inondations étaient dévastatrices car elles ne charriaient essentiellement que du sable et du gravier. De plus, les maigres limons déposés étouffaient les arbres, ce qui faisait de ces crues une calamité. Depuis 1950, de nombreuses retenues ont été construites et le Canal de Provence dévie une grosse partie des eaux du Verdon et de la Durance dans le Sud aride de la Provence. Malgré tout, par crue 'ordinaire' cela ne l'empêche pas de venir lécher le haut des digues et, par forte crue, de toujours nous menacer… A l'Ouest, le Rhône(12)... On devrait dire, sa Majesté le Rhône !!! Premier fleuve de France par son débit, le deuxième de toute la Méditerranée après le Nil. Sans être exceptionnellement long avec ses 812 kilomètres il a un bassin versant d'une surface de presque 100 000 kilomètres2 ce qui représente deux fois la superficie de la Suisse et près de 20% du territoire Français. La liste de ses affluents est impressionnante avec 25 en Suisse et 38 en France dont 5 majeurs (l'Ain, la Saône, l'Isère, la Drôme et la Durance), auquel il faut rajouter le plus majestueux des plans d'eaux douces européens, le lac Léman... |
Reconstruction du pont de Bonpas sur La Durance en 1945 (Collection Jean-Pierre Vogt) |
Ce n'était pas du tout du goût des syndics de cette ville qui demandaient, en toute logique, le droit de rejeter ces eaux dans des brassières plus au Sud. Cet évènement eut un caractère International, car le bon roi René, dès 1441, prit prétexte de cette mutation hydraulique pour annexer les terres situées au Sud de la Durance qui devinrent ainsi Terres Provençales(9). Ce qui a transformé la Durance en nouveau fleuve-frontière(10)... |