Histoire de la ligne du BdR de Barbentane à Orgon-Gare |
L’ordonnance royale de 1823, signée par le roi Louis XVIII, donne naissance à la construction de la première ligne de chemin de fer en France. Cette ligne, longue de 20 km, étudiée, tracée et supervisée par l’ingénieur des Mines Louis-Antoine Beaunier(1), fut inaugurée en 1827 ; elle reliait les houillères de Saint Etienne au port fluvial d'Andrézieux. Il faut noter que si, de 1823 à 1937, ce sont des compagnies privées et des régies départementales qui financent, construisent et exploitent les lignes ferroviaires, les grandes orientations stratégiques et militaires sont définies par l’État, jacobinisme oblige… |
La trame du réseau ferré national est arrêtée par la loi du 11 juillet 1842 : c’est l’étoile Legrand(2) ou réseau en toile d’araignée ; Paris est ainsi le passage obligé de toutes les grandes lignes ferroviaires françaises. Après la multitude des compagnies pionnières pour la construction des premières lignes, dès 1859, on assiste au premier regroupement des Grandes Compagnies dont le nombre est ramené à six : Nord, Ouest, Est, PLM (Paris-Lyon-Marseille), PO (Paris-Orléans) et Midi… Après la guerre de 1870, sous l’autorité de Charles-Louis de Freycinet(3), ministre des travaux publics (1877-1879), de nombreuses autres lignes furent créées pour désenclaver les préfectures et de nombreuses sous-préfectures pour les raccorder au réseau national. C’est dans ce contexte ferroviaire expansionniste que furent étudiées, financées et finalement construites dans notre département les lignes de : |
Gare de Barbentane-Batignolles - façade Ouest |
A l’origine, c’est la Société de construction des Batignolles(5) qui a financé ces constructions. En 1882, dans notre département, cette société devient la Société nouvelle des chemins de fer des Bouches-du-Rhône, puis en 1886, la Compagnie des chemins de fer régionaux des Bouches-du-Rhône pour finalement cesser ses activités en 1913. Elle sera reprise par le département et deviendra la Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône plus connue sous le sigle RdT 13, familier des écoliers barbentanais… Ceci explique pourquoi la gare de départ de la ligne Barbentane à Orgon s’appelle la gare des Batignolles. De notre gare vers Orgon, la ligne des primeurs assurait la desserte des plaines subcomtadines. Elle appartenait au nouveau réseau concédé à la Compagnie des chemins de fer régionaux des Bouches-du-Rhône dirigée par Monsieur Delamare et a été déclarée d’utilité publique par la loi du 30 août 1884. Son objet est évident : desservir, en complément de la ligne de Tarascon à Plan-d’Orgon via Saint-Rémy, les riches plaines agricoles situées entre Rhône, Durance et Alpilles et favoriser l’expédition des récoltes d’une part vers la vallée du Rhône grâce à la gare du PLM de Barbentane et d’autre part vers Marseille et la côte d’Azur grâce à la gare d’Orgon PLM… |
Gare de CHATEAU-RENARD - Coté voies (nord) |
Les travaux, qui commencent en novembre 1886, sont accompagnés de la pose d’une voie provisoire jusqu’à la Durance d’où l’on extrait le gravier nécessaire aux remblais. Ils s’achèvent en janvier 1888 et la ligne est ouverte au printemps, en même temps que la ligne de Saint-Rémy à Plan-d’Orgon. La ligne : La ligne des primeurs mesure 28 km parcourus-en un peu plus d’une heure. La voie présente de très faibles déclivités dont la pente est dans le sens Plan-d’Orgon à Barbentane, c’est à dire celui de la plupart des trains chargés. |
Au départ de la gare de Barbentane (PK 0), elle traverse les communes de : Rognonas(6) (PK 2,5), Châteaurenard (PK 6,3), Noves (PK 10,8), Cabannes (PK 15), Saint-Andiol (PK 17,3), la Halte Saint Jean (PK 20,2), Plan d’Orgon (PK 23) et Orgon-Gare (PK 28), en longeant plus ou moins la Durance. Pour sa construction on préempte des parcelles de vignes, de vergers, des pépinières, des cultures maraîchères et des pâturages… Dès 1942, le déclassement du tronçon Mollégès à Plan-d'Orgon ampute la ligne de sa portion Plan-d’Orgon à Orgon-Gare ce qui amorce le déclin de cette liaison. Cependant on conserve, jusqu’à nos jours, voies et passages à niveau indispensables à l’exploitation de la ligne… |
Gare de Cabannes - Coté voies (ouest) |
Les trafics : En 1900, le trafic des voyageurs est d’environ 60 000 billets vendus. Il fallait 1h23mn pour aller de Barbentane à Orgon-Gare et, on ne sait pourquoi, 1h30mn en sens inverse !!! Le 10 avril 1937, le service des voyageurs est abandonné sans que soit créé de service de remplacement (des autocars privés desservent alors les localités de la ligne jusqu’à Avignon mais en évitant Barbentane). En 1941 le service est, semble-t-il, provisoirement rétabli mais en 1946 la ligne est définitivement fermée au service voyageur… Le trafic marchandises est mieux connu. En 1900 transitent 24 500 tonnes d’engrais, amendements et céréales en petite vitesse (PV) et 20 000 tonnes de légumes primeurs en grande vitesse (GV). La part des primeurs va progresser sensiblement et cette ligne va alors mériter son appellation de ligne des primeurs ou des messageries... |
En 1920 la gare de Châteaurenard a, à elle seule, expédié 36 000 tonnes. En 1929 la ligne est qualifiée d’excellente !!! Les expéditions de Châteaurenard représentent alors les 5/7 du tonnage total du réseau des BdR en GV. Signalons que ce trafic étant saisonnier, ces tonnages sont d’autant plus remarquables. Cette situation favorable va persister pour culminer à 127 700 tonnes en 1942. La quasi totalité du trafic se fait (après la fermeture du tronçon Plan-d’Orgon à Orgon-Gare en 1942) en provenance ou à destination du Nord et du Sud via la gare de Barbentane… A partir de la Libération, la concurrence routière devient particulièrement active. Cependant la création du Marché d’Intérêt National (MIN) à Châteaurenard en 1958 favorise le maintien du trafic et occasionne même un renouvellement du matériel moteur. Ainsi, en 1967, la ligne a un trafic saisonnier de 117 300 tonnes de fruits et légumes et, en 1977, de 85 370 tonnes. En 1969 on compte 16 embranchements particuliers sur cette ligne… |
Gare de Noves - Coté cour (ouest) |
Le matériel moteur : A l’origine le matériel moteur était des locomotives à vapeur construites dans les ateliers des Batignolles à Paris de la série Bourbonnais dont l’origine des plans date de 1875. Les locomotives qui parcouraient cette ligne étaient des séries 030A ou 030B (sans essieu porteur, 3 essieux moteur) d’environ 32 T en état de marche et d’une puissance de 300 cv(7). Elles ont assuré le trafic jusqu’en 1958 environ et ont été remplacées par des locomoteurs diésel(8)… |
Les gares D'un point de vue architectural, aucune liberté n'a été donnée aux constructeurs locaux. Toutes sont rigoureusement les mêmes mais avec deux possibilités : · Soit une gare de plain-pied (Noves, Cabannes, St Andiol) ; elles sont placées par obligation, et peu importe l'exposition, parallèles aux voies ; · Soit une gare sur deux niveaux (Barbentane-Batignolles, Châteaurenard, Plan-d'Orgon, Orgon) avec un local à marchandises fermé. Toutes ont une halle couverte et un quai de chargement plus ou moins long… La gare de Barbentane-Batignolles, tête de ligne, raccordée aux voies du PLM, est une plaque tournante de première importance pour l'expédition de tous les trafics issus du BdR ou à destination de celui-ci. Elle possède, un château d'eau et une remise à machines. Rançon de son succès, une note nous rappelle que les négociants de Rognonas tendent peu à peu à nommer cette station 'Gare de Barbentane-Rognonas' et, à annexer toutes les terres et les mas barbentanais situés à l’est de la nouvelle ligne du PLM… |
Les derniers restes de la Gare BdR d'Orgon |
La Batignolles de type 030 'Bourbonnaise' au musée du Chemin de fer de Mulhouse |
Dès 1895, la gare de chateau-renard (orthographe d’origine) prend de plus en plus d'importance. Elle devance en tonnage celle de Barbentane et la Chambre Syndicale des Expéditeurs de Provence a décidé d'y porter ses marchandises en raison de l'insuffisance de la gare PLM de Barbentane. De 1899 à 1910, elle acquiert de nombreux aménagements : quai de chargement permettant de recevoir simultanément 15 wagons, 3 chambres froides, une remise à wagon 'refroidie' à l'usage de l'Association Française du Froid, une bascule, un château-d'eau, un pont tournant et de 4 remises à locomotives (toujours visibles)… En 1913, c'est la gare la plus importante de toutes les gares des BdR et, en 1946 la Régie déclare que La gare de Châteaurenard est celle qui a le plus grand tonnage en Grande Vitesse de la région Sud-Est à égalité avec Cavaillon !!! |
A l'autre extrémité de la ligne, la station d'Orgon-gare n'aura jamais, à cause d'une situation complexe, une grande importance... |
Et maintenant : Hélas, de nos jours le trafic est insignifiant, limité à un service tout à fait épisodique. Malgré tout l’intérêt pour cette ligne est manifeste puisque les grands travaux de la LEO n’ont pas détruit la voie ce qui a, d’ailleurs, nécessité la construction d’un passage supérieur près de la gare SNCF de Barbentane pour préserver son intégrité… |
Batignolles 030B20 en gare de Châteaurenard en 1952 Photo Bernard Laville |
Les autres gares, Noves, Cabannes, St Andiol et Plan-d'Orgon, bien qu'ayant un trafic de moindre importance, resteront très actives jusqu'en 1951 et déclineront lentement après cette date. Pour la gare de Saint-Andiol, l'histoire nous raconte qu'en 1896, le Conseil Municipal demande fermement à la Compagnie de faire arriver pendant la saison d'été les trains de primeurs jusqu'à Plan-d'Orgon car ils s'arrêtaient alors à Cabannes !!! Heureux temps, où des élus se battaient pour faire vivre leur chemin de fer... |
Autorail Berliet en Gare de St Rémy de Provence en 1950 Photo Bernard Laville |
CP - Gare de Châteaurenard (Col Truphémus) |
CP - Gare de Noves (Col Truphémus) |
CP - Gare de Cabannes (Col Truphémus) |
CP - Gare de St Andiol (Col Truphémus) |
CP - Gare de Plan-d'Orgon, aujourd'hui détruite (Col Truphémus) |
CP - Les Gares d'Orgon (Col Truphémus), La gare du BdR est celle en bas, à droite, aujourd'hui détruite |
Renvois 1 Louis-Antoine Beaunier (1779-1835) est ingénieur de l'école des Mines de Paris. Il s'occupa aussi des houillères des Bouches-du-Rhône et du Gard, en vue de concessions à instituer dans le bassin de Fuveau et dans celui d'Alais (maintenant ville d'Alès). 2 Baptiste Alexis Victor Legrand (1791-1848) est un polytechnicien et homme politique français. Directeur général des Ponts et Chaussées, puis Sous-secrétaire d'État aux Travaux publics, c'est sous son administration que furent tracés, après de longues et difficiles discussions, le réseau des grandes lignes de chemin de fer. C'est également lui qui fit étudier et mettre au point les grands ouvrages de travaux publics réalisés dans Paris sous la monarchie de Juillet. 3 Charles-Louis de Saulces de Freycinet (1828-1923) est un polytechnicien, puis ingénieur de l'école des Mines de Paris et homme politique français. Il devint le chef de l’exploitation de la Compagnie des chemins de fer du Midi lors de la chute du Second Empire (1870). Élu Sénateur, puis plusieurs fois ministre dans divers cabinets, il contribue également à la modernisation des voies fluviales, notamment par l'établissement d'une norme pour la taille des écluses, connue depuis sous le nom de gabarit Freycinet. 4 Dès leur construction, les Chemins de Fer furent confrontés au gabarit de l'écartement des voies. En fait et après plusieurs tâtonnements, trois gabarits se démarquèrent et devinrent les normes principales. Le premier à 'voie métrique', écartement de 1 mètre, est réservé aux lignes de faible trafic car bien moins coûteux en emprise au sol, en construction et en entretien. Le deuxième dit à 'voie normale', écartement de 1,435 mètre, est le plus utilisé au monde (60%). Le dernier, dit 'à voie large' avec un écartement maximum de 1,676 mètre, est utilisé surtout aux États-Unis. D'autres variables d'écartements 'à voie large' sont utilisés en Espagne et Portugal avec 1,668 mètre, 1,600 mètre en Australie et 1,520 mètre en Russie !!! Il existe encore une multiplicité d'autres écartements de voies de part le monde, on est bien loin de la normalisation. 5 En 1846, grâce à l'appui de banquiers qui avaient fondé la Compagnie des chemins de fer du Nord, est installé aux Batignolles (un quartier de Paris dans le XVIIème) un atelier de constructions mécaniques destiné essentiellement à fournir des locomotives à vapeur aux grandes compagnies ferroviaires. Dépassant très vite sa vocation initiale, cette entreprise se lance dans le financement et la construction de ponts métalliques en France, dont le premier est, en 1852, celui d'Asnières-sur-Seine, puis de lignes de chemin de fer dans le monde (traversée des Pyrénées en 1862) et principalement dans l'empire colonial. Enfin dans la réalisation de toutes sortes de travaux publics. Son rapide essor amène en 1871 sa transformation en société anonyme sous la raison sociale de Société de Construction des Batignolles, nom quelle conserve jusqu'à sa fusion en 1968 avec la Société parisienne pour l'industrie électrique pour donner naissance à Spie-Batignolles. En 1928 elle rompt définitivement avec son objet initial en fermant ses ateliers de l'avenue de Clichy, dont elle fait apport à sa filiale La Compagnie Générale de Construction de Locomotives Batignolles-Châtillon. 6 Avec une superbe Halte, qui le 22 juillet 1932 et par arrêté préfectoral, prend le nom de Belly… 7 Ce type de locomotive eut un franc succès et équipa nombre de réseaux locaux et même les grandes Compagnies, puis la SNCF. Elles furent fabriquées jusqu'en 1953. Un exemplaire historique est conservé au Musée des Chemins de fer de Mulhouse. 8 Actuellement, 9 locotracteurs diésel Fauvet-Girel sont garés en excellent état en gare d'Arles-BdR (7 de 200cv et 2 de 300cv). Il reste aussi 2 locotracteurs Gaston-Moyse de facture beaucoup plus ancienne. |
Sources : Évolution décennaire du réseau des Chemins de fer d'intérêt local à voie normale des Bouches-du-Rhône ; Livret des lignes du BdR ; Wikipédia ; Wikia (site web encyclopédique dédié aux chemins de fer de par le monde) ; Terre Barbentanaise ; Chronique communale de Barbentane ; le journal La Provence et de nombreux autres sites Internet… Remerciements : Aux Cheminotes et Cheminots Barbentanais pour leurs renseignements, à Messieurs Christian Truphémus et Claude Honoré du RdT 13 pour les compléments indispensables et leurs photos. Remerciements surtout à Monsieur Jean-Claude Capdeville pour ses documents originaux sur les lignes du RdT 13. Et, pour finir, à mon indispensable correctrice que j'embrasse de tout cœur… |
Que vous veniez à bicyclette, en train, en bateau, en avion, en voiture ou tout simplement à pied, Barbentane vous attend ! |
Toutefois vous pouvez circuler sur cette ligne, du moins de Barbentane à Châteaurenard, grâce à une association qui met à disposition un train vapeur à certaines périodes. Renseignez-vous à l'adresse suivante : http://www.trainavapeur-valdeprovence.com/ Guy |
Barbentane, le plus beau village de l'Univers |
En 1872 : Pas des Lanciers à Martigues (19 km) ; En 1874 : Tarascon à Saint-Rémy (15 km) ; En 1875 : Arles à Fontvieille (10 km) ; En 1879 : Miramas à Rassuen (11 km) ; En 1881 : Rassuen à Port de Bouc (14 km) ; En 1887 : Fontvieille à Salon (37 km) ; Barbentane à Orgon-Gare (28 km) ; Saint-Rémy à Plan-d’Orgon (20 km) ; La Ciotat-Gare à La Ciotat-Ville (5 km) ; En 1889 : Eyguières à Meyrargues (47 km). Toutes ces lignes nouvelles à 'voie normale'(4), ont été pensées et finalement construites pour le transport des marchandises mais chacune, au moins pendant un temps, a été ouverte au trafic des voyageurs… |