BARBENTANE A nos Poilus |
Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne, 51), cimetière de l'Opéra (Collection Vernet de Terrefort) |
Ossuaire de Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne, 51) (Col. Vernet de Terrefort) |
La Butte de Vauquois (Meuse, 55) (Collection Vernet de Terrefort) |
A nos Poilus, Barbentanais de naissance, de cœur ou d'adoption... Ce surnom désigne tous les soldats de la Guerre 1914-1918 mais, contrairement à l'imagerie populaire, ce n'est pas en référence aux hommes à la barbe broussailleuse qui n’ont pas le temps de se raser, d'autant plus que dès l’utilisation des gaz, le port du masque à gaz interdit le port de la barbe ainsi que le stipule le règlement militaire. Non, c’est beaucoup mieux : c'est pour les hommes qui ont du poil au bon endroit, du poil aux jambes, pas dans la main(1) ! Ce terme d'argot militaire datait de plus d’un siècle avant la Grande Guerre et il désignait, dans les casernes, les hommes qui n’avaient pas froid aux yeux. Ce mot fit irruption de la caserne, dans la bourgeoisie, dans les campagnes plus tard, par la parole, par le journal surtout, avec une rapidité foudroyante(1)… |
Autre image à détruire, celle de ces combattants que l'on nous montre partant la fleur au fusil pour une guerre rapide, fraîche et joyeuse !!! Pure image de propagande. Le plus souvent les soldats ne sont pas partis avec un grand enthousiasme, car ces hommes rappelés avaient déjà fait un service militaire actif d'au moins 2 ans et, pour les plus jeunes au moins 3 ans(2)… Alors, même si pendant les années précédant la Grande Guerre la propagande avait présenté la reconquête de l'Alsace-Lorraine au-delà de La Ligne Bleue des Vosges comme un fait inéluctable, partir de gaité de cœur à la guerre n'était sûrement pas le lot commun, d'autant plus que la majorité de ces réincorporés, vu leur âge, étaient mariés et pères de famille… |
Donc, le samedi 1er août 1914, à 4h de l'après-midi, au son du tocsin lancé par le clocher de Barbentane, tous les hommes de plus de 18 ans et de moins 45 ans(3) non déjà enrégimentés se rassemblent afin de rejoindre leurs lieux d’affectation pour répondre à l’appel de la mobilisation générale… Il s'en suivit 5 ans de tragédies(4), de souffrances, de désespérances… Nous ne reviendrons pas ici, ni aujourd'hui, sur cette ignominieuse guerre qui broya des millions d'hommes, de tous bords, de toutes conditions, de toutes valeurs, de toutes nationalités, certains jusqu'à la mort, d'autres, doublement plus nombreux, n’en réchappèrent qu'avec de multiples blessures plus ou moins invalidantes… |
Près de cent ans après le début des hostilités, c'est à tous ces hommes MORTS POUR LA FRANCE, Barbentanais de naissance, Barbentanais de cœur ou Barbentanais d'adoption que nous allons rendre l’hommage qu’ils méritent… Combien sont-ils ? Si 80 noms sont gravés sur le Monument aux Morts, tout au long des discours prononcés le jour de l'inauguration, on nous parle de 81 soldats morts aux combats.... Puis, sur le tableau peint à l'église(5) dans l'ancienne chapelle des Mondragon (Nord Est de l'église), on en dénombre là 94, dont l6 sont non inscrits sur le Monument officiel. Ensuite, quand on feuillette les registres des naissances et ceux des décès, ce sont encore 9 noms supplémentaires qui ne sont repris officiellement nulle part à Barbentane. Donc, ce sont bien 105 soldats, Barbentanais ou presque, qui sont Morts pour La France… |
Liste des morts et disparus qui est jointe au document édité avec les discours du jour de l'inauguration du Monument aux Morts |
Photo du Tableau commémoratif de l’Église (voir note en bas de page) |
Dans le grand tableau récapitulatif ci-dessous, vous retrouverez tous ces noms avec pour chacun d'eux un certain nombre de renseignements… Malgré nos nombreuses recherches, tant sur le site Internet de l'Armée(6) qui leur est consacré, que par la lecture de tous les Écho de Barbentane de cette période, nous n'avons toujours pas pu trouver, pour tous, tous les renseignements nécessaires. Il nous faudra d'autres études complémentaires pour vraiment clôturer ce dossier… |
Le funeste décompte… Pour ces années de la Grande Guerre, de 1914 à 1921(7), l'année la plus meurtrière pour nos Poilus Barbentanais fut celle de 1915. Elle totalise à elle seule près du tiers des décès, plus exactement 30 sur 105. C'est l'année de la grande offensive lancée par Joffre en Artois, sans grands résultats militaires d'ailleurs, sinon d'énormes pertes humaines… Ensuite avec 23 morts, c'est 1916, l'année de Verdun, l'année des batailles de la Somme, c'est la tragique expédition des Dardanelles, c'est la guerre d'usure sur tous les fronts… |
Puis vient l'année 1914 qui, avec seulement ses 5 mois effectifs de guerre, sont comparativement les plus meurtriers avec 21 morts. C'est l'année de la grande offensive allemande, de la première bataille de la Marne, celle aussi des rares batailles de mouvement, mais encore des batailles en Belgique où quelques-uns de nos Poilus laisseront leur vie… En 1917 et 1918, les morts Barbentanais sont moins nombreux, respectivement 13 et 16. Il faut dire aussi qu'en 1917 on emploie en grand nombre les soldats des troupes coloniales, on devient aussi plus économe en vies humaines en limogeant du front les nombreux généraux incapables… |
Mourmelon-le-Grand (Marne, 51), le cimetière militaire À la tombe n°1052 repose Gaston Lafont mort pour la France le 5 septembre 1914 (Collection Vernet de Terrefort) |
Modèle de carnet militaire et de plaque d'identité ayant cour durant la Grande Guerre (Collection Vernet de Terrefort) |
Une jeunesse sacrifiée… Quand on regarde l'âge de nos morts répertoriés à Barbentane, entre 19 et 34 ans, c'est l'hécatombe. Sur 105 tués, 84 (soit 80%) de nos poilus sont morts avant l'âge de 35 ans, et 65 (soit 62%) le sont avant l'âge de 30 ans (à noter que c'est exactement le même pourcentage pour les Poilus nés à Barbentane)… Une analyse plus approfondie de ce tableau nous apprend : · Que le premier mort officiel est Sébastien Bertaud, il n’a que 24 ans, blessé en Lorraine d’une balle dans le bras, il est transporté de Bar-le-Duc, en passant par Nîmes(!) jusqu’à Beaulieu-sur-Mer où il mourra le 22 septembre 1914. Il reçoit l’hommage de la ville de Beaulieu au cours d’une messe solennelle en présence des autorités municipales. Alors que le premier mort est en réalité Antoine Diciani, né à Pizzone en Italie, engagé volontaire, il est tué le 19 août 1914 à l’âge de 26 ans, non inscrit sur le Monument aux Morts, un service religieux à sa mémoire a été célébré à l’église. Ce premier décès est suivi de près par celui de Jean Marie Veray mort le 21 août 1914 à l'âge de 23 ans, ils reposent tous deux en Lorraine ; · Que le plus âgé de nos défunts est un militaire de carrière, le lieutenant-colonel Pierre Louis Constant, officier de la Légion d’Honneur, né à Barbentane, il s’engagea dans l’armée en 1864 et s’illustra au cours de la guerre de 1870. Retraité du service actif depuis 1902 et malgré ses 70 ans, il se met à la disposition de l’armée le 2 août 1914. Affecté à un poste important à Maubeuge, à la reddition de cette place, il est fait prisonnier et interné à Torgau en Allemagne. Rapatrié en France, à cause de son âge, sa première visite est pour Barbentane où il vient voir ses sœurs. Mais sentant sa mort prochaine il retourne dans le Nord, à Steenbecque, où il s’éteint le 26 mars 1917. Au cours du service solennel qui lui est rendu, faute de soldats français, c’est une compagnie de soldats anglais, avec musique, tambours et trompettes qui accompagne sa dépouille de sa maison à l’église puis de l’église au cimetière ; · Que 9 familles Barbentanaises ont perdu deux enfants, ce sont : Les frères Bertaud Joseph mort en 1914 et Baptiste en 1917 ; les frères Bon Jean Marie mort en 1914 et Louis en 1916 ; les frères Couttier Cyprien et Louis morts en 1915 à deux mois d’intervalle ; les Frères Fage Jules et Xavier morts à 3 mois d’intervalle en 1918 ; Les frères Ginoux Paul mort en 1915 et Jean-Marie en 1918 à Sofia (Bulgarie) ; les frères Laussel Henri mort en 1914 à 22 ans et Jean Marie, frère Hermann en religion, mort 9 jours plus tard à 24 ans, ce dernier était novice chez les prémontrés de Leffe en Belgique depuis que les Pères de Frigolet avaient été chassés de France ; les frères Marteau Henri mort en 1914 et François en 1918 ; Les frères Mouret Paul mort en 1916 et Benoît Jean-Marie en 1918 ; les frères Bertaud Jean Marie et Pierre morts à 5 mois d’intervalle en 1915, natifs de Lyon, leur père originaire de Barbentane, préparait l’église pour accueillir les services funèbres et se dépensait charitablement à Lyon auprès des malades et des blessés. Combien d’entre eux sont-ils cousins, beaux-frères, neveux, combien sont-ils apparentés à des blessés, des handicapés ? Nul ne le sait ; · Que nous dénombrons au moins 39 veuves puisque deux soldats étaient veufs, au moins 33 orphelins dont deux enfants posthumes ; · Que dire de ce jeune couple Joseph Marius Cornillon et Pauline Anastase marié en juillet 1918 et brisé le 29 septembre suivant ! · Que dire aussi pour ce jeune Louis Randoulet âgé de 21 ans, permissionnaire, tué accidentellement en gare de Barbentane par un train le 21 octobre 1917 ? |
Nous pourrions aussi égrener la longue liste des décorés : la médaille militaire pour Claude Cardelin et Louis Vial, la Croix de Guerre pour Louis Achard, Jules Fage et Paul-Adrien Linsolas et ce même Louis Vial, trompette au 19° régiment d’artillerie de campagne… Nous comprenons à quel point la jeunesse barbentanaise, la jeunesse française, a été saignée à blanc. D'autant plus que, même si ce nombre de morts est déjà épouvantable, il faut penser qu’à chaque mort survit deux blessés !!! Les conséquences en seront catastrophiques et sur la vie sociale et sur l'économie française… Combien d'orphelins, de veuves, d'épouses au mari diminué, de fiançailles rompues, de parents accablés, de familles anéanties ? Nul ne le sait, aucun compte n'a été tenu, même pas celui des blessés qu'il a fallu pensionner… |
(Collection Vernet de Terrefort) |
Photo très rare, elle montre des soldats Français couchés, morts, tout juste recouvert d'une bâche et les Poilus qui sont chargés de les enterrer sur place, à deux pas du front !!! Photo prise aux abords du Bois de la Chapelotte, entre le Col du Donon et Raon l'Étape dans les Vosges. (Collection Vernet de Terrefort) |
Photo qui fait suite à la précédente, les soldats morts sont maintenant enterrés et les soldats chargés de cette funeste corvée s'activent pour poser des croix nominatives au-dessus d'une terre fraîchement remuée. (Collection Vernet de Terrefort) |
Que faisaient-ils… Une ébauche d'étude, laissée en Mairie, nous indique que sur les 67 premiers morts recensés pour figurer sur le Monument aux Morts, 52 étaient des cultivateurs, 4 étaient des employés de commerce, les autres se comptent à l'unité : 1 religieux, 1 officier, 1 mécanicien, 1 voyageur (???), 1 berger, 1 tonnelier, 1 expéditeur, 1 comptable, 1 cafetier, 1 boucher, 1 illisible… Il est dommage que cette étude n'ait pas été poursuivie mais, malgré ce handicap, elle donne un bon reflet des métiers pratiqués au village… |
Malgré la tragédie, l'humour ne perd pas ses droits !!! Légende de cette carte : Passage recommandée aux acrobates mobilisés Photo prise près de Flirey (Meurthe et Moselle, 54) (Collection Vernet de Terrefort) |
Où sont-ils… Certains ont des plaques commémoratives sur les tombes familiales, mais de là à être enterrés au cimetière de Barbentane c'est très relatif. A part les blessés qui, eux, sont effectivement enterrés à Barbentane, beaucoup de nos Poilus sont "restés" sur place. Pour certains enterrés dans les nombreux cimetières qui parsèment les anciens champs de batailles en France et aussi ailleurs. Pour d'autres ce n'est que théorique, certains n'ont jamais été retrouvés, d'autres ont disparu en mer, etc... |
Photo prise aux abords du Bois de la Chapelotte, entre le Col du Donon et Raon l'Étape dans les Vosges. (Collection Vernet de Terrefort) |
Conclusion provisoire… En quelques mots, j'aimerais conclure avec le fond de ma pensée. Je voudrais rendre un hommage, moi le pacifiste, à tous les morts de cette immense tragédie… Oui, rendre un hommage insistant à tous ces Français, tous ces Anglais, tous ces Africains, tous ces Asiatiques- ces ressortissants de nos nombreuses colonies- tous ces Italiens, tous ces Turcs, tous ces Hongrois et même aux Allemands, aux Autrichiens, tous les autres aussi et qu’importe leurs nationalités, à tous ces morts, à tous ces grands et petits blessés… que des assassins accoutrés des plus belles parures surmontés de képis remplis de funestes étoiles, ont fait monter aux combats sans aucunement se soucier des tueries qu'ils occasionnaient… |
Reste militaire dans le village complètement détruit de Perthes-lès-Hurlus qui se trouve maintenant dans le camp militaire de Suippes (Marne, 51) et qui n'est accessible que les 11 novembre !!! (Collection Vernet de Terrefort) |
Sans parler de ces officiers généraux qui, pire encore, se sont révélés plus aptes à faire fusiller des Français(9) qu'à avoir le moindre soupçon de talents militaires pour conquérir une victoire que leur médiocrité ne pouvait pas leur donner… Un hommage encore à tous ces hommes qui s'entretuaient sans se connaître, pour satisfaire la basse vanité de gens qui se connaissaient mais ne s'entretuaient pas… On ne peut imaginer la souffrance de tous ces Poilus, et même si aujourd'hui on nous montre, enfin, et sans artifice ni gloriole, ce que fut une partie de leur quotidien, que sont cinq minutes de reportage à la télé face aux horribles conditions de vie de quatre années de tranchées ? Avec la soif, la faim, la peur, les blessures, les mines, les grenades, les shrapnells, les obus, les bombes, les balles, les torpilles, les snipeurs, les rats, les poux, le froid, la pluie, le gel… Oui, que peuvent bien valoir quelques minutes de compassion, bien assis, au chaud devant sa télévision ??? Alors, à l'instar de ce célèbre poète(10), je ne peux m'empêcher de crier, encore une fois et encore plus fort aujourd'hui : |
Bel hommage rendu par des Chinois à un de leur compatriote enterré au cimetière de Perthes-lès-Hurlus (Marne, 51) !!! (Collection Vernet de Terrefort) |
Quelle connerie la guerre !!! Guy, avec l'aide immense et indispensable de ma sœur Monique que j'embrasse tendrement Nos plus vifs remerciements à Madame Yvette Mus pour le prêt d'une partie de sa si précieuse collection de L’Écho de Barbentane (dite collection Bikini) et aux employés municipaux qui ont su répondre à nos nombreuses demandes. Cliquez ci-dessous pour avoir Liste des cimetières militaires : http://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil45.html |
L'Ossuaire du cimetière |
Dès le rapatriement des quatre premiers morts, le Maire officiel de l'époque, le Comte Pierre Terray*, avait fait élever une sorte de stèle au milieu du cimetière avec les premiers noms des soldats Morts pour la France gravés dessus. Hélas, elle s'est vite révélée trop petite. Le 5 mars 1922, Monsieur le Maire, Joseph Ardigier : expose au Conseil Municipal que la tombe creusée dans notre cimetière et affectée à la réinhumation des restes mortels de nos soldats "Morts pour la France" transportés auprès de leurs familles, n'est pas en rapport par sa trop grande modestie, avec la reconnaissance que nous devons à ces victimes du devoir, qu'elle doit personnifier.(Qu’) il conviendrait d'ériger sur cette sépulture un tombeau digne de nos héros qui y sont ensevelis, ornementé d'une œuvre d'art symbolique. |
Cet ossuaire occupe le centre de l'ancien cimetière et c'est probablement la plus grande tombe du lieu. Sur une plaque rectangulaire, maintenant à peine lisible, sont gravés 14 noms (voir photo et liste jointe). Il est surmonté d'une statue d'un soldat gisant au sol, grandeur nature, avec tout son équipement, qui semble implorer le ciel dans son agonie… Guy * Très souvent dans les écrits de cette époque on signale Monsieur Joseph Ardigier, 1er adjoint faisant office de Maire. Or, le Maire officiel de l'époque (du 29 janvier 1911 au 10 décembre 1919), est le Comte Pierre Terray, mais comme tous les hommes valides du village, il avait été réincorporé dans la réserve et ne pouvait donc faire son travail de premier édile Municipal. Monsieur Joseph Ardigier ne sera élu officiellement Maire que le 10 décembre 1919. ** C'est une pierre extrêmement dure et souple à la fois car elle contient de la silice (contrairement au marbre-carbonate). Elle a été formée à une profondeur de 5 à 6 000 mètres dans une fosse marine sous une pression de plusieurs tonnes, qui a transformé le sable créé par le moulinage des glaciers en matériau solide. Sa dureté provient du fait que ce n'est pas du calcaire pur ce sont les ingrédients différents qui font sa dureté. Elle a la propriété de pouvoir être polie comme le marbre et, sur sa surface lisse, les tâches vont disparaître naturellement. |
Ce projet a été voté à l'unanimité des membres présents, ainsi que la somme de 6 000 Francs pour sa réalisation. Comme pour le Monument aux Morts, le Maire est autorisé à passer un marché de gré à gré avec l'architecte retenu, Monsieur Léon Véran, le sculpteur sera Monsieur Henri Endignoux et l'entrepreneur Monsieur Albert Cartoux (rue du Cimetière à Avignon)… L'entreprise J. Héraud (avenue du cimetière à Avignon) a fourni la pierre dite de Tavel** pour la somme de 512 francs (y compris le transport de cette pierre jusqu’à notre cimetière)… |
Liste des 14 Poilus enterrés dans cet Ossuaire : Amiel Jean-Marie ; Ayme Louis ; Barthélémy Albert ; Bertaud Charles ; Broussier Jules ; Courdon Louis ; Couttier Joseph ; Fage Jules ; Gontier Emile Henri ; Laussel Jean-Marie ; Mouret Benoît et Mouret Paul, deux frères ; Reboul Pierre et Sérignan Jean-Baptiste. |
Les canons du Calvaire |
Je me suis toujours interrogé sur la présence des deux canons exposés aux abords du Calvaire. Enfin, maintenant, j'ai la réponse… Suite à une demande de la commune de Barbentane datée du 4 août 1921, le Ministère du Commerce et de l'Industrie, plus précisément le Sous-secrétaire d'État chargé de la liquidation des stocks, donne satisfaction à la municipalité afin qu'elle reçoive des trophées de guerre… Cela se fera par le don de deux canons allemands de calibre 77, d'une longueur de 3,50m d'une hauteur de 1,60m et de plus d'une tonne chacun, qui seront à enlever au parc d'artillerie de Reims (51), charge pour la commune d'en payer le transport… |
Partis de la gare de Monthois-Petite Vitesse (Compagnie des Chemins de Fer de l'Est, gare située dans le département des Ardennes), ils seront livrés le 6 décembre* 1921 à la gare de la Petite Vitesse de Barbentane-PLM pour un transport qui aura coûté la coquette somme de 634 francs… Ils sont restés visibles jusqu’à la fin des années 60 autour du Calvaire. Sur ordre du maire Joseph Chaix, ils ont été découpés par un artisan local Mr Fielloux, puis mis à la ferraille. Il faut dire que Mr Chaix, qui avait laissé une jambe dans les combats, en avait un peu "marre" de voir ces souvenirs. Par contre, après les faits, d’autres poilus rescapés ont fait un foin terrible, mais c’était un peu tard... Guy * Ce mois est incertain, car peu lisible sur le bordereau de livraison des Chemins de Fer, mais vu les dates des divers courriers, cette livraison a été faite obligatoirement entre les mois de septembre et décembre 1921. |
Un des canons du Calvaire (Collection Jany Grimaldi) |
Barbentane, qui a su dignement surmonter cette tragédie, vous attend ! |
Le tableau commémoratif de l’Église |
Le 1 septembre 1918, à l’initiative du curé Aimé Guigues* la paroisse inaugure par une messe solennelle de Requiem l’œuvre peinte sur le mur nord de la chapelle de Mondragon. L’heure est grave, le silence est pesant, les larmes coulent… Dans son homélie, le curé explique : au cœur du tableau le nécrologe** range par année et par ordre le nom des défunts «MORTS POUR LA FRANCE». Les Barbentanais de naissance sont signalés d'une étoile d’or. A cette date figurent 74 noms dont 54 étoilés, aujourd’hui il y a 94 noms dont 69 sont étoilés. Ce nécrologe est encadré par une large moulure à feuilles d’acanthe restaurée et repeinte pour l’occasion. Ce qui laisse à penser qu’auparavant l’autel en marbre était probablement surmonté d’un tableau. Le fronton porte les armoiries de notre cité tandis que de part et d’autre du tableau deux peintures représentent deux anges allégoriques qui flottent au-dessus d’un paysage réaliste. L’ange de gauche symbolise la religion, il tient de la main droite un papyrus avec la mention «Pour Dieu» et de l’autre il brandit la couronne des Élus, sous ses pieds une tombe symbolique avec ces mots «aux Héros Barbentanais». Celui de droite symbolise la patrie, il tient de la main gauche un papyrus avec la mention «pour la Patrie» et de l’autre il brandit la palme triomphale. A ses pieds notre calvaire figure le pays natal «la petite Patrie»… Le travail a été accompli par deux artistes : Monsieur Beaufort de Nîmes et Monsieur Robert de Paris. Le curé remercie chaleureusement les catholiques Barbentanais qui, à de rares exceptions près, ont admirablement répondu à l’appel financier de leur pasteur. Détail du coût du monument patriotique à la date du 1er septembre 1918 : Journées du plâtrier et fournitures = 263.00 Frs Une tablette en pierre de Tavel = 87.45 Frs Décorations et peintures murales = 425.00 Frs 593 lettres aluminium à 0.30 Frs = 177.90 Frs 110 lettres à 0.40 Frs = 44.00 Frs Croix en or = 20.00 Frs 20 chiffres vermillon et cartouches = 5.00 Frs 56 étoiles d’or = 28.00 Frs Total du monument = 1 050.35 Frs Monique Nota : D’autres travaux d’embellissement de l’église avaient été faits et le coût total s’élevait à 4 748.35 Francs |
Ce Tableau d'Honneur de l'Harmonie Gauloise de Barbentane est suspendu dans la salle de repos de la Mairie... Il se trouve que nous avons les photos de 3 de ces musiciens, ce sont celles qui figurent sur l’autre Tableau d'Honneur qui est dans les archives municipales. Seul Sébastien-Louis Bertaud est absent... |
Tableau d'Honneur des Musiciens |
Etienne ACHARD |
Hilarion Jean Marie GINOUX |
Louis Germain REBOUL |
Barbentane, le plus beau village de l'Univers |
Verdun (Meuse, 55), l'Ossuaire de Douaumont (Col. Vernet de Terrefort) |
En 1918, même si les pertes progressent suite aux grandes offensives allemandes, le renfort des soldats américains(8) soulage d'autant la pression sur les soldats métropolitains… |
La vie naturelle prend parfois le dessus sur les carnages que les hommes s'infligent. Des cigognes perchées au-dessus de leur nid sur une maison délabrée dans un paysage bucolique où des ânes paissent dans une relative tranquillité !!! |
1 Tiré du livre L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats d'Albert Dauzat. 2 Dès 1913 la durée du service actif est portée à 3 ans. 3 En 1914, 8 millions d’hommes entre 18 et 45 ans sont mobilisés soit 20% de la population française. Selon son âge, chaque homme qui peut s’acquitter de ses obligations militaires, passe par trois armées réglementaires différentes. L’armée d’active : elle est composée des hommes âgés de 21 à 23 ans c’est-à-dire nés en 1891, 1892 et 1893 (puis de 1894 jusqu'à 1899). Puis l’armée de réserve : composée des hommes âgés de 24 à 33 ans c’est-à-dire nés entre 1881 et 1890. Puis l’armée territoriale : composée des hommes âgés de 34 à 39 ans c’est-à-dire nés entre 1875 et 1880. Et enfin l’armée territoriale de réserve : composée des hommes âgés de 40 à 45 ans c’est-à-dire nés entre 1868 et 1874. Rapidement la réserve de l’armée territoriale incorpore les hommes âgés de 46 à 49 ans c’est-à-dire nés entre 1868 et 1865. Pendant la Grande Guerre, le régiment d’infanterie territoriale, ou RIT, était une formation militaire composée d’hommes considérés comme trop âgés et plus assez entraînés pour intégrer un régiment de première ligne d’active ou de réserve. Les Territoriaux ou Pépères, initialement chargés de différents services de gardes, ont joué un grand rôle pendant la Première Guerre mondiale. 4 Nous avons trouvé sur Internet un site assez simple, mais néanmoins très complet, pour qui veut approfondir la question, ou simplement rafraîchir ses souvenirs, sur la Grande Guerre de 1914-1918 (les lettres de Poilus y sont très touchantes) : http://www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com/histoire-13.html 5 Tableau commémoratif de si belle facture qu'il a failli être inscrit à l’inventaire des sites classés dans les années 1980. 6 Site SGA - Mémoire des hommes : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/index.php 7 Si, pour la majorité des combats sur le front de l'Ouest, la guerre se termina avec l'Armistice du 11 novembre 1918, le conflit perdura en Orient. Il ne se termina officiellement qu'avec l’accord d'Ankara, signé entre les représentants du Gouvernement Français et la Grande Assemblée Nationale de Turquie le 20 octobre 1921. Il ne sera vraiment finalisé qu'avec l’armistice de Mudanya. 8 En plus des soldats étasuniens, il ne faut pas oublier les Canadiens et aussi, même s'ils n'étaient pas en grand nombre, des contingents de pays tels que : Brésil, Bolivie, Costa-Rica, Cuba, Guatemala, Haïti, Honduras, Équateur, Nicaragua, Uruguay, Panama, Pérou… C'était bien une guerre mondiale. 9 Un des nombreux déshonneurs de l'armée française : En mars 1915, au Moulin de Souain, la 21e compagnie du 336 RI, très éprouvée par les combats féroces de Perthes-les-Hurlus (Marne, 51), reçoit l'ordre de tenter de nouveau de s'emparer des tranchées ennemies. Les soldats refusent de sortir. Le général donne l'ordre de choisir un caporal et quatre soldats par section, et les fait se porter en plein jour, sous le feu ennemi, à 150 mètres vers l'avant, pour sectionner les barbelés. Les soldats tentent vainement d'exécuter cet ordre. Le soir, ils regagnent les tranchées françaises. Le 10 mars 1915, leur compagnie est relevée, dirigée vers Suippes, et aussitôt les caporaux Théophile Maupas, Louis Girard, Louis Lefoulon et Lucien Lechat, avec une trentaine de soldats, sont arrêtés et inculpés de refus d'obéissance devant l'ennemi. Le 16, la cour martiale, présidée par le colonel Marthenet, se réunit. Elle refuse d'entendre les témoins à décharge, les défenseurs sont injuriés. Les soldats sont acquittés, mais les quatre caporaux, tous originaires de la Manche, sont condamnés à mort. Malgré la demande de recours en grâce, le général Réveillac qui craignait de voir arriver la grâce presse l'exécution ; ils sont fusillés le lendemain. Par deux fois, en 1922 et 1926, les demandes de révision du procès sont repoussées. Le procès en révision s'ouvre le vendredi 2 mars 1934 et acquitte les quatre caporaux. 10 Pour ceux qui ne l'auraient pas reconnu, il s'agit de Jacques Prévert dans son poème Barbara. |
* Aimé Guigues a été curé de Barbentane de 1906 à 1924. Malade, opéré plusieurs fois pendant la Première Guerre mondiale, et bien qu’affaibli, il s’est dévoué sans compter pour assurer une correspondance suivie avec les soldats... ** Nécrologe : Liste où l'on inscrit le nom des morts |